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douane et toutes les corporations d’une région étendue en appelèrent à Péking. Les détails de l’affaire sont mal connus, il ne semble pas que l’union des corporations ait persisté ; le préfet de Tchhao tcheou[1], chargé d’une enquête, parvint à trouver des irrégularités dans la gestion des trois syndics de la corporation qui avait soulevé l’affaire ; il les destitua, les condamna à de fortes amendes, et le mouvement s’apaisa de lui-même. Il est à remarquer que le gouvernement n’attaqua pas de front l’union des commerçans, et il est non moins à noter, à titre de symptôme, que des commerçans ont pu lutter ouvertement contre une administration officielle et qu’entre corporations différentes, entre villes diverses, ils ont pu s’unir pour une action commune.

Sans chercher d’autres exemples exceptionnels, il nous suffit de revenir à la vie de chaque jour pour voir les plus simples travailleurs comme les maisons les plus importantes en conflit déclaré avec les lois, et cela sans que personne y trouve à redire. Les veilleurs de nuit, ces humbles serviteurs qui font la ronde autour des habitations et des magasins pour avoir l’œil aux commencemens d’incendie et aux voleurs, versent, dit-on, à ces derniers une portion de leurs gages afin d’écarter toute tentative. Les monts-de-piété se prêtent à servir d’intermédiaires entre le voleur et le propriétaire, si celui-ci désire recouvrer l’objet volé même. Il existe des compagnies qui assurent, moyennant un tant pour cent, l’arrivée exacte à destination de valeurs expédiées en nature ; en certaines localités retirées, rares en Chine, nombreuses en Mongolie et dans les autres dépendances, il ne se trouve ni banques ni commerçans importans ; faute de pouvoir envoyer des traites, on est réduit à expédier l’argent en lingots, avec de grands risques de la part des voleurs. Les compagnies d’assurance dont je parle versent aux bandes de voleurs un tant pour cent sur leurs opérations ; elles délivrent à l’assuré un signe de reconnaissance, un petit drapeau, qu’emporte le conducteur du convoi et qui fait connaître aux brigands qu’il n’y a rien à réclamer ; elles donnent pour escorte quelques hommes résolus chargés de la défense contre les voleurs non classés. Avec ces précautions, l’argent arrive à destination et, en cas de perte, la compagnie rembourse intégralement. Les mandarins comme les particuliers ont recours à ces assurances ; l’Etat ne s’en sert pas et ses convois sont souvent

  1. Préfecture d’où dépend Swatow.