Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/874

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des injures, réclamer un des leurs qui a été emprisonné ; le sous-préfet, revêtu de son costume officiel, fait ouvrir toutes grandes les portes de sa salle d’audience ; quand une vingtaine de mutins y ont pénétré, tandis que les autres sont dans la cour, les valets du yamen ferment brusquement les portes, saisissent ceux qui se trouvent là, les bâtonnent, après quoi le mandarin leur dit qu’il leur fait grâce pour cette fois d’un châtiment plus sévère, et les fait relâcher ; l’ordre est immédiatement rétabli. Mais il arrive que les grèves menacent d’avoir des conséquences plus graves ; à l’époque de la guerre anglo-française, de la rébellion des Tai-ping et du soulèvement des musulmans au Yun nan, Péking se trouvant dépourvu de cuivre, on mit en circulation des sapèques de fer, que la population vit immédiatement avec méfiance et qu’elle refusa bientôt tout à fait ; les banques, les monts-de-piété, dans l’état d’incertitude du marché, fermèrent leurs portes, aggravant ainsi la crise et les embarras d’une population besoigneuse et surexcitée ; les monts-de-piété de Hai tien, petite localité au nord de Péking, flairant une affaire, choisirent des correspondans dans la capitale et y étendirent leurs transactions, mais il s’en fallait de beaucoup que le remède fût suffisant. Le gouvernement prévoyait des désordres graves ; il lui répugnait de contraindre les monts-de-piété à rouvrir, peut-être ne se sentait-il pas en état de l’exiger. Il se trouva un homme riche, Ming chan, l’un des directeurs de l’Intendance de la Cour, qui consacra un capital important à ouvrir dix monts-de-piété, où l’on prit un intérêt peu élevé (1 pour 100) et où l’on se montra coulant sur la qualité de la monnaie. Cette intervention opportune fit cesser la grève : la corporation céda, reprit les affaires et diminua ses prétentions ; les monts-de-piété de Ming chan existent encore aujourd’hui. Mais on voit que, le gouvernement désarmé, la sédition fut évitée seulement par la haute situation, la fortune et le sang-froid d’un particulier.

Dans d’autres circonstances, on a vu la grève s’étendre et prendre un caractère menaçant pour l’administration. En 1881, l’une des corporations de Swatow eut un différend avec la douane à propos de la vérification de certaines marchandises ; peut-être les fonctionnaires de la douane usèrent-ils d’une raideur exagérée, bref toutes les corporations de la ville s’en mêlèrent, les affaires furent suspendues. Bientôt les associations de Swatow écrivirent à celles des autres ports, une vaste entente se forma contre la