A part ce très léger droit de patente et ces obligations qui sont presque de complaisance, l’État et les mandarins ne demandent rien aux marchands ; il a existé jadis contre la caste commerçante des impôts spéciaux et vexatoires, depuis bien des siècles, ils sont supprimés. Il n’y a même pas aujourd’hui de patentes annuelles, et les troubles qui ont eu lieu au commencement de l’an dernier, dans différentes villes, ont eu pour origine la prétention de certains gouverneurs et intendans d’exiger le paiement de patentes pour venir en aide à l’État obéré ; les administrateurs avisés se sont à l’avance refusés à lever cette taxe qu’ils savaient impopulaire. Aucune surveillance spéciale ne s’exerce ni sur les libraires, ni sur les pharmaciens, ni sur les industries insalubres ; aucune autorité ne s’interpose entre le patron et ses commis ou apprentis ; aucune taxe n’est perçue sur la vente d’un fonds de commerce, qui se fait par acte sous seing-privé non revêtu des sceaux officiels. En un mot, le marchand paie, comme tout autre, l’impôt foncier, les octrois, les droits de production ; il est justiciable, comme tout autre, du sous-préfet pour les crimes ou délits qu’il commet ; il est exactement soumis au droit commun ; le fait commercial, en tant que commercial, est ignoré par la loi, et du ressort du seul droit coutumier.
Si les marchands résistent ouvertement à l’autorité lorsque celle-ci montre des exigences exagérées et quand leurs droits, leur sécurité sont violés, il n’est pas rare que leur action, dépassant ces limites raisonnables, empiète sur les droits de l’État ; ainsi quand les boutiquiers d’une ville du sud, il y a une dizaine d’années, firent cause commune avec la population et suspendirent les affaires : le sous-préfet avait, en effet, interdit de laisser vaguer les porcs dans les rues de la ville, il fut forcé de retirer son ordonnance. La fermeture des boutiques, la suspension de toute vie commerciale, la grève, c’est la grande ressource des corporations contre les mandarins, comme le boycottage est le moyen infaillible contre les associés indisciplinés. La grève trouble la vie normale de la population, les émeutes en naissent naturellement, le mandarin qui dispose de forces insuffisantes, dont le premier devoir est d’administrer paisiblement, sans causer d’ennuis à ses supérieurs, aime mieux d’habitude céder par quelque voie détournée que compromettre sa situation. Un acte de sang-froid réussit parfois à arrêter les troubles dès l’origine : les maçons de Ning po viennent en troupe, avec des cris et