Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/871

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est une qualité de premier ordre pour ce mode d’acquisition. Le même manque de précision dans les règles se fait sentir quand il s’agit des chefs de corporation. Toute corporation a les siens, ils ne sont pas élus, puisqu’on ne sait ce qu’est le vote, ils sont désignés par une sorte d’unanimité parmi les membres les plus riches, les plus âgés, les plus influens. L’influence peut tenir à bien des causes, souvent elle dépend, en Chine comme ailleurs, de la facilité d’élocution ; on sait, d’autre part, quel respect les Chinois ont pour la vieillesse ; et quant à la richesse, outre qu’elle est considérée en tous pays, elle est particulièrement requise pour un chef de corporation, qui doit souvent dépenser de ses deniers personnels pour l’utilité et l’amusement de ses associés. Il y a presque toujours plusieurs chefs, car il est plus facile de se mettre d’accord sur plusieurs noms à la fois que sur un seul ; d’ailleurs, la direction n’est presque jamais unique en Chine, pas plus dans les ministères ou dans les magasins que dans les associations d’aucun genre. Ces syndics ont le maniement des fonds ; ils sont appelés à agir pour les associés lorsqu’il s’agit d’exercer le pouvoir de juridiction, d’intervention dont j’ai parlé ; mais leur autorité est singulièrement vague, ils n’ont même pas les pouvoirs d’un président d’assemblée qui donne la parole, dirige la discussion, clôt la séance ; ils sont en réalité les hommes d’affaires de l’association.

Il faut d’ailleurs noter que ces vices constitutifs sont moins sensibles dans la plupart des corporations que dans les autres associations ; les patrons sont, en général, gens avisés, connaissant leurs intérêts ; ils forment dans le commerce une aristocratie d’intelligence, au milieu de laquelle se détachent les chefs héréditaires de grandes maisons anciennes, des quatre Heng, par exemple, parmi les banquiers ; on est assez disposé à les suivre, et il serait parfois difficile de faire autrement. Aussi voit-on que les corporations sont capables d’action suivie ; la multiplicité des questions qu’elles tranchent, fixation du prix des denrées, du taux de l’intérêt, surveillance des émissions de billets, action commune dans les procès, emprunts, suppose qu’après avoir discuté, elles savent adopter un avis unique. Pour écarter tous les gens d’autres provinces, comme font certaines d’entre elles, pour maintenir les petits marchands de thé dans la dépendance des grands, il faut plus qu’une résolution éphémère, il faut de la suite dans les idées ; des affaires comme celle des marchands de thé de Han kheou contre les Européens, comme celle des commerçans