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Sou, où tous les grands personnages, y compris l’Empereur, achetaient leurs bottes au xviiie siècle et qui, il y a peu d’années, occupait encore plus de cent employés ; ainsi, enfin, les quatre grandes banques, Heng ho, Heng li, Heng yuen, Heng hing, les plus importantes de la capitale, fondées dans l’ère Khang hi (1663-1722) par un nommé Fang de Ning po. Péking n’a d’ailleurs pas la spécialité de ces vieilles et solides maisons, il s’en trouve dans chaque ville importante, comme le Fan yong ko, magasin de soieries à Thien tsin : comme le Tchhen ho tshi, pharmacie des Tchhen à Canton. La plupart de ces maisons portent le nom de la famille qui en est propriétaire : c’est, en effet, qu’elles se transmettent de père en fils, que les gendres y sont souvent associés à la direction et qu’elles ne sortent pas de la lignée du fondateur. De pareils exemples de stabilité sont à coup sûr rares en Europe, où les fortunes se font et se défont plus vite, et où peu de gens restent dans la condition paternelle ; il existe ainsi une aristocratie de commerçans peu nombreux, qui joignent la fortune à la pratique héréditaire des affaires, et dont les fils sont souvent entrés dans la carrière officielle ; cette aristocratie est importante, surtout par son expérience commerciale, par ses traditions d’honorabilité, par l’influence d’exemple et de richesse qu’elle exerce sur tout le commerce chinois. L’organisation de pareilles maisons ne diffère pas de celle des maisons plus récentes ; les apprentis, les commis y sont dans la même situation, triés avec plus de soin, ils n’y sont que mieux traités et souvent ils y passent toute leur vie, arrivent à être associés, après avoir été hommes de confiance du père, deviennent conseillers du fils et assurent la perpétuité des traditions.


III

Ce n’est pas seulement aux conditions générales de la société ou à celles qui sont propres à la classe commerçante que tient la durée remarquable d’un aussi grand nombre de maisons ; leur stabilité, leur bon renom ont aussi pour cause l’organisation spéciale qui les réunit par groupes. Il est habituel, en effet, que toutes les maisons ayant une même spécialité forment une association que j’appellerai corporation ; je me réserve d’indiquer quelques exceptions à cette règle. Les corporations, qui paraissent dater d’au moins trois siècles, sont difficiles à étudier ; diverses de type, formées par les intéressés seuls, sans que l’État ait eu ni à leur