dit que sur les apprentis, elle remplace et elle égale presque l’autorité paternelle. Elle est moindre à l’égard des commis, qui sont engagés librement, habituellement pour une année, de douzième lune en douzième lune ; elle est cependant réelle, car l’obligation du respect, de l’obéissance de l’inférieur au supérieur est, dans toutes les relations sociales, admise avec une force inconnue en Europe.
Sauf le cas de violences graves, de vol, il n’est d’ailleurs pas d’autorité qui s’interpose entre patrons et commis ; la corporation des patrons n’intervient pas dans les questions de personnel purement intérieures, propres à chaque maison ; les commis ne forment pas d’association, n’ont pas de lien entre eux ; les rapports sont bien plus étroits entre un commis et son patron qu’entre les employés de deux maisons différentes. Toutefois le besoin d’égalité réelle entre gens de même classe et de même rang, le droit que chacun s’arroge de surveiller ce qui se passe chez le voisin, expression d’un profond sentiment de solidarité, empêchent dans une même ville les inégalités flagrantes de traitement et de salaire, sauf celles qui sont sanctionnées par un usage établi.
La stabilité de la classe marchande maintenue par son unité de formation et par le sentiment hiérarchique qui y domine, la longue durée des circonstances économiques et des conditions sociales, qui n’ont pas changé sensiblement depuis le commencement du XVIe siècle jusqu’au milieu du XIXe, ont permis à un grand nombre de maisons d’atteindre une longévité remarquable. On en cite, à Péking, qui ont survécu au bouleversement, passager d’ailleurs, qui a accompagné la chute des Ming et l’avènement de la dynastie mantchoue (1644) : de ce nombre est le Lou pi kiu, situé dans la ville chinoise, à l’est et à peu de distance de Tshien men[1], et dont l’enseigne est due à un calligraphe célèbre du XVIe siècle ; cette maison est encore renommée pour les vins de riz et les friandises qu’elle importe du sud. Un beaucoup plus grand nombre datent du XVIIe et du XVIIIe siècle : ainsi les magasins de thé de la famille Fang, du An hoei ; le Oen mei tchai, faisant commerce d’horlogerie, très florissant avant l’ouverture des ports et qui appartient toujours à la famille chrétienne Yang ; ainsi le Phi tsan kong, magasin de pilules de la famille Phi, qui existe depuis plus de deux cents ans, le Nei hing long de la famille
- ↑ Principale porte faisant communiquer la ville tartare et la ville chinoise.