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moins général que l’autre : la baisse des prix. Cette baisse a contracté et ralenti le commerce international ; elle a contracté aussi les échanges à l’intérieur, arrêté les entreprises nouvelles, qui, depuis 1850, allaient se multipliant par des appels réitérés au crédit public et par la formation des sociétés financières et industrielles. Quand « les affaires ne vont pas, » il est clair que les capitaux inoccupés abondent et que les revenus diminuent, mais il n’y a pas là de quoi se féliciter sans mélange, comme de la naissance d’un ordre de choses meilleur en tout.

Il faut ajouter que la diminution du revenu des obligations et actions ne correspond pas toujours à des pertes exactement parallèles chez les capitalistes, parce que ceux-ci trouvent moyen de rejeter sur la classe moyenne les conséquences des diminutions subites de revenu. L’abaissement des profits ou des rentes pour la généralité peut donc ne pas empêcher certains financiers d’arrondir toujours, quoique moins rapidement, le capital par eux emmagasiné.

Nous aboutissons ainsi de nouveau à cette conclusion que, s’il y a progrès général, ce n’est pas sans des mouvemens contraires, qui maintiennent en partie l’état encore chaotique de la société nouvelle.


III

Après avoir considéré les capitalistes, considérons les travailleurs. La baisse constante des prix, par la contraction des échanges et la dépression qu’elle fait subir à la production, tend à faire baisser les salaires. C’est là un autre de ses mauvais résultats. Toutefois, il y a un minimum de subsistance au-dessous duquel le salaire ne peut décroître et qui n’est pas aussi élastique que le minimum du profit et de la rente. Alors que rente et profit peuvent tomber à zéro, la diminution du salaire, fort heureusement, ne peut aller jusqu’à compromettre en moyenne la vie même de l’ouvrier. En outre, dans la période précédente, l’ouvrier ayant atteint un genre de vie meilleur, avec des besoins nouveaux, sa légitime résistance à l’avilissement des salaires est plus grande et plus efficace. De cette double cause provient ce fait heureux, que les salaires ne diminuent pas autant que les profits ou les revenus. C’est là un avantage et un élément de progrès pour la classe ouvrière, qui se trouve ainsi monter, quoique trop