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demande en révision, si l’affaire est en état. Si l’affaire n’est pas en état, la chambre criminelle procédera directement ou par commissions rogatoires à toutes enquêtes sur le fond, confrontations, reconnaissances d’identité et moyens propres à mettre la vérité en évidence. Après la fin de l’instruction, il sera alors statué par les chambres réunies de la Cour de cassation...[1]. »

Nous ne saurions désapprouver cette nouvelle mesure. Les quarante-neuf magistrats inamovibles qui constituent la suprême juridiction des chambres réunies offrent, en effet, les plus complètes garanties d’indépendance qu’on puisse rencontrer dans un corps judiciaire. Or les procès de ce genre mettent quelquefois aux prises les partis politiques, les masses populaires, tous les organes de l’opinion, les pouvoirs publics eux-mêmes : il importe d’opposer aux courans les plus impétueux, aux poussées les plus violentes, la digue la plus forte.

Les Français ont, en ce moment, faim et soif de la révision en matière pénale. C’est la tournure qu’a prise chez nous, depuis quelques années, l’amour de la justice. Cet amour est très vif sous sa forme particulière : on n’en contient pas les impatiences. C’est ainsi que nos contemporains se reprochent souvent, avec une sorte d’inquiétude, de n’avoir pas fait assez pour une telle cause. Ils remettent vingt fois leur ouvrage sur le métier, pensant qu’il reste quelque chose à faire. Si je ne me trompe, il faut à la fois les féliciter d’une si généreuse ardeur et leur demander un peu plus de sang-froid.

Un homme d’Etat qui serait assez haut placé pour être entendu, assez généralement estimé pour être écouté, leur tiendrait sans doute le langage suivant : Prenez garde ! Il s’agit moins aujourd’hui de perfectionner les textes tant de fois remaniés que d’assurer l’efficace application des lois nouvelles. Le meilleur moyen de discréditer une législation si favorable aux révisions serait de prendre avec un emportement extrême parti pour ou contre la révision dans quelques procès de ce genre, de préjuger la solution des questions avant de les avoir étudiées, et d’adresser au juge des sommations violentes en lui dictant d’avance son arrêt. Il y a quelque douceur, paraît-il, à médire des gens qui participent à l’administration de la justice. Cependant Proudhon

  1. L’exposé des motifs explique très bien pourquoi l’on n’a pas substitué d’une façon complète et pour tous les cas, dans l’examen des recours en révision, la compétence des chambres réunies à celle de la chambre criminelle.