Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/771

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commissions rogatoires à toutes enquêtes sur le fond, confrontations, reconnaissances d’identité, interrogatoires et moyens propres à mettre la vérité en évidence. » Les criminalistes accueillirent, en général, cette disposition avec une grande froideur. Pourquoi, dirent-ils, bouleverser les attributions de notre cour suprême ? Sa chambre criminelle va donc jouer, le cas échéant, le rôle que nos lois d’organisation judiciaire donnent aux cours d’assises ou aux tribunaux correctionnels ! de véritables débats s’ouvriront à sa barre ! les témoins, les indices, les vestiges, les élémens de preuve les plus divers y seront transportés de tous les points du territoire continental ou colonial, produits et discutés ! que d’inconvéniens et de difficultés ! Pour s’y soustraire, la Cour de cassation jugera-t-elle sur pièces ? Mais on ressusciterait alors, même au grand criminel, le jugement sur pièces en matière pénale, emporté par la révolution de 1789. Quelles seraient d’ailleurs ces pièces, et où la Cour pourrait-elle prendre connaissance des débats à réviser, puisque le Code d’instruction criminelle (art. 372), pour mieux assurer le système de la procédure orale, défend de résumer, dans les procès-verbaux des cours d’assises, les réponses des accusés et les dépositions des témoins ? Il aurait été plus simple, plus raisonnable, plus conforme aux règles de la législation française, d’autoriser la Cour à statuer directement et sur-le-champ, quand l’erreur judiciaire résultait avec une évidence immédiate des pièces transmises par le Garde des sceaux, mais de l’astreindre, en cas de doute, à faire opérer toutes les vérifications de fait par une cour d’assises ou une cour d’appel autres que celles qui auraient déjà connu de l’affaire. Ces critiques, reproduites sous une forme très laconique, il y a quelques mois, par le premier de nos journaux judiciaires, la Gazette des Tribunaux, ont une véritable portée.

On se divisa surtout, au Corps législatif, en 1867. sur la question suivante : continuera-t-on de limiter à trois cas, comme en 1808, la faculté de réviser ? M. Martel proposait de bouleverser ce système. « Ajouter à l’art. 443, demandait-il, la proposition suivante : Dans tout autre cas, lorsqu’une condamnation criminelle ou correctionnelle sera attaquée pour cause d’erreur de fait, le ministre de la Justice, sur le vu du mémoire et des pièces justificatives, devra d’office saisir la Cour de cassation. » Une minorité de la commission, sans adopter cette proposition radicale, jugeait les conditions du projet trop étroites, et se montrait disposée à