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Seconde phase. — En fait, y a-t-il lieu de réviser ? Cette question pouvait être, tout de suite, résolue négativement[1]. Au contraire, si la réponse était affirmative, la chambre criminelle devait, en thèse et sauf un seul cas[2], renvoyer aux juridictions inférieures compétentes l’examen du fait, en les chargeant de statuer de nouveau sur le procès après le résultat de cet examen.

Même avant la promulgation des codes de justice militaire pour l’armée de terre et pour l’armée de mer, la Cour de cassation avait jugé que la voie de la révision était ouverte devant elle contre les jugemens rendus par les juridictions militaires et maritimes. Les codes spéciaux de 1857 et de 1858 érigèrent cette solution de la jurisprudence en règle positive.


III. — LA MÉMOIRE DES MORTS. — DE 1821 A 1867

Au mois de thermidor an IV, six accusés, Couriol, Lesurques, Bernard, Richard, Bruer, Guesnot, avaient été traduits devant le tribunal criminel de la Seine comme auteurs ou complices de l’assassinat du courrier de Lyon et du postillon qui conduisait la malle. Couriol, Bernard et Lesurques avaient été condamnés à mort. Ce dernier, en entendant sa condamnation, avait protesté de son innocence : sur l’échafaud même, il exprimait encore l’espoir que l’erreur serait un jour reconnue et que sa mémoire serait vengée. La famille Lesurques ne cessa pas de réclamer, avec une constance inébranlable, la réhabilitation du nom qui était son patrimoine et fut, plus ou moins heureusement, secondée dans cette tâche, soit par la presse périodique, soit par le théâtre. Le premier obstacle qu’elle rencontrait sur sa route était l’inflexible législation de 1808.

En 1821, les héritiers de Lesurques ayant adressé, pour obtenir la réhabilitation de sa mémoire, une pétition à la Chambre haute, un rapport fut présenté par le comte de Valence, et les

  1. Le 28 août 1884, sur mes conclusions, la chambre criminelle déclara recevable la demande en révision de la femme Lepestipont, parce qu’un des témoins entendus dans une instance correctionnelle avait été condamné, le 25 avril 1883, pour faux témoignage contre la prévenue ; mais, comme cette condamnation laissait subsister d’autres élémens de preuve, le haut tribunal termina lui-même et sur-le-champ cette seconde phase en décidant qu’il n’y avait pas lieu de réviser.
  2. Le cas d’homicide supposé. Si les pièces produites établissaient clairement l’existence de la fausse victime, la cour suprême pouvait, au vu de ces seules pièces, annuler la condamnation attaquée et tout finir d’emblée.