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pût être réhabilité même après sa mort[1]. Le conseiller d’Etat Berlier avait découvert qu’une telle réhabilitation était, « dans ce cas, d’une extrême justice. » Sans doute, mais pourquoi pas dans les autres cas ?

Troisième cas. — Un des témoins entendus a été, depuis la condamnation, poursuivi et condamné pour faux témoignage contre l’accusé. « Ici toutefois, lisait-on dans l’exposé des motifs, l’erreur de la condamnation ne se montre pas avec la même évidence que dans les autres espèces ; car il est strictement possible que le faux témoignage n’ait pas seul dicté la déclaration du jury... ou formé l’opinion des juges... Mais, si l’erreur de la condamnation ne résulte pas évidemment de la seule circonstance d’un faux témoignage depuis reconnu et puni, du moins faut-il convenir que ce fait est assez grave pour établir une suffisante présomption que l’accusé a été victime d’une horrible calomnie. »

Les formes de procéder, tracées par le Code de 1808, sont fort simples. Les demandes en révision sont déférées à la Cour de cassation (chambre criminelle) comme jadis au Conseil du Roi. Ce haut tribunal ne peut être régulièrement saisi que par un réquisitoire de son procureur général, donné sur l’ordre du ministre de la Justice, lequel intervient tantôt d’office, tantôt sur la réclamation d’un condamné, tantôt sur celle du procureur général lui-même, mais toujours en vertu de son pouvoir propre. Après quoi, la procédure se divise en deux phases.

Première phase. — Y a-t-il lieu de recevoir la demande ? La Cour n’a pour le moment qu’à déterminer, par l’examen des arrêts ou des indices produits devant elle, si l’on est dans un des trois cas prévus par le Code. C’est ainsi que la Cour de cassation (chambre criminelle) déclara d’abord « recevable en la forme » la demande en révision formée dans l’intérêt de Dreyfus ; elle décidait simplement alors que les conditions de forme avaient été remplies et ne préjugeait pas même la solution finale du litige. Au contraire, la demande de Virginie Lesurques avait été, le 17 décembre 1868, écartée comme irrecevable par la Cour de cassation, parce que les deux condamnations présentées comme inconciliables ne se contredisaient pas nécessairement.

  1. « La Cour de cassation créera un curateur à sa mémoire, avec lequel se fera l’instruction et qui exercera tous les droits du condamné. Si, par le résultat de la nouvelle procédure, la première condamnation se trouve avoir été portée injustement, le nouvel arrêt déchargera la mémoire du condamné. »