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à la justice royale, conjurant Louis XVI de prêter un moment l’oreille « au sang innocent des Galas, des Montbailly, des Langlade, des Cahuzac, des Barreau » et d’abaisser ses regards sur « les écueils sanglans de notre législation criminelle. » Ce mémoire se vendit à profusion au profit des condamnés, non seulement dans toute la France, mais dans toute l’Europe. Qui le croirait ? C’est à la suite de ces émotions violentes que la procédure de révision disparut momentanément de nos lois dans les premières années qui suivirent la Révolution française.

Le 17 août 1792, l’Assemblée législative prit une mesure transitoire. Elle pensa qu’il convenait de statuer encore sur les demandes en révision adressées au « ci-devant conseil du Roi » avant qu’il eût été supprimé, ou formées, dans un délai de trois mois, contre les jugemens criminels antérieurs au 8 octobre 1789. En conséquence, elle investit de cette fonction temporaire le tribunal de cassation. Mais aucune juridiction ne fut chargée de statuer à l’avenir sur les demandes en révision, et cette voie de recours se trouva supprimée. Les deux premières assemblées de la Révolution pensèrent, s’il faut en croire M. F. Hélie, que « les puissantes garanties dont elles entouraient les jugemens criminels » écartaient désormais toutes les chances d’erreur. Cependant nous touchons à l’époque où les Jacobins sommeront la Convention de « débarrasser le tribunal révolutionnaire des formes qui étouffent sa conscience ; » où l’on coupera légalement la parole aux Girondins et à Danton ; où l’on affectera de ne signifier les actes d’accusation aux accusés (quand on les leur signifiera) que la veille de leur jugement à dix ou onze heures du soir ; où Couthon expliquera aux représentans du peuple qu’on a, en donnant à tort et à travers des défenseurs à ces accusés, « remis la liberté en question et la patrie en danger. »

Toutefois il paraît que la condamnation d’un « innocent, » démontrée dans un procès, « émut (c’est M. Hélie qui parle) la conscience publique. » La Convention vota (15 mai 1793) le décret suivant : « Art. 1er. Si un accusé a été condamné pour un délit et qu’un autre accusé ait aussi été condamné comme auteur d’un même délit, en sorte que les deux condamnations ne puissent se concilier et fassent la preuve de l’innocence de l’une ou de l’autre partie, l’exécution des deux jugemens sera suspendue,