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conseil du Roi, qui fut appelé de bonne heure à délibérer sur ces matières, d’ouvrir ou de fermer, au gré du Roi, cette voie de recours.

La grande ordonnance civile de 1667, préparée sous le ministère de Colbert par le premier président de Lamoignon et d’autres savans magistrats, qui servit de code de procédure jusqu’en 1806, abrogea les propositions d’erreur ; l’ordonnance criminelle de 1670, en s’abstenant de les mentionner, changea plutôt d’étiquette que de système. Elle organisa en effet, dans ses titres XVI[1] et XXVII[2], une autre procédure qui tendait au même but. La « proposition d’erreur » disparut alors de l’instruction même criminelle, mais pour faire place à la « révision » proprement dite.

La nouvelle procédure débutait comme l’ancienne. Il fallait, au préalable, obtenir du roi des lettres de révision « pour revoir et examiner de nouveau le procès criminel. » D’ailleurs, au rebours de presque tous les codes modernes, le législateur du XVIIe siècle ne limitait pas les cas dans lesquels les procès pourraient être révisés. Comme rien ne limitait non plus la puissance royale, il était à prévoir qu’on allait étendre démesurément la sphère de la révision. Les commentateurs de l’ordonnance criminelle ne tentèrent pas de remonter le courant. En général, ils commençaient par dire : « Il n’y a à proprement parler que l’erreur de fait qui soit le motif des lettres de re vision ; en effet, tout l’objet ordinaire des accusations est de savoir si un accusé est coupable ou non, et c’est un fait unique[3]... » Mais on était bien forcé d’ajouter : « Quoique l’erreur de fait soit le moyen principal de révision, et celui qui s’emploie le plus ordinairement, on peut aussi se servir en général de tous les autres moyens propres à établir l’innocence de l’accusé[4]. » On admettait donc qu’une sentence fût encore révisée, soit quand son injustice pouvait être attribuée à l’ignorance ou à la prévarication du juge, soit quand une des partie s’avait été mal défendue ou avait usé de fraude. Les criminalistes

  1. Intitulé : Des lettres d’abolition, rémission, pardon, pour ester à droit. Rappel de ban ou de galères, Commutation de peine, Réhabilitation et Révision de procès.
  2. Intitulé : Des procédures à l’effet de purger la mémoire d’un défunt.
  3. On citait, à titre d’exemple, le cas où l’accusé qu’on croyait avoir été tué était vivant, celui où il avait été condamné pour un autre. Ainsi, lorsque, au cours d’une instruction, comme dans une certaine affaire Langlade (en 1693), on vient à découvrir les véritables auteurs du crime, pour lequel un accusé aurait été auparavant condamné, etc.
  4. Jousse, Traité de la Justice criminelle, t. II, p. 780.