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une sorte de pont-levis ; une fois fermé, on ne pouvait passer la Loire qu’en bateau. En outre, les Ponts-de-Cé étaient défendus par un vieux château, une bicoque à tour carrée, coiffée d’ardoises, et à mâchicoulis très accusés, soutenue par deux tours en poivrière et entourée de murailles crénelées, le tout dominant d’assez haut, et non sans quelque fierté apparente, les bras du fleuve et la basse plaine. Au pied de ce donjon en immature, commençait la principale rue de la petite ville des Ponts-de-Cé qui, s’éloignant de la Loire, se dirigeait au Nord, vers Angers : rue étroite, bordée de maisons de bois à tourelles et à encorbellemens, laissant apercevoir, au-dessus de leurs silhouettes inégales, le clocher d’ardoises de Saint-Aubin, et, plus loin, la masse imposante du château d’Angers.

Du côté d’où venait l’armée royale, qui, partie du Nord, s’enfonçait dans l’angle que fait la Mayenne, la Loire et l’Authion, elle avait Angers à droite, les Ponts-de-Cé à gauche et, juste en face d’elle, le long chemin plat qui relie Angers aux Ponts-de-Cé. On avait eu, dans le camp de la Reine, l’idée singulière de fortifier ce chemin et de le couvrir d’une sorte de parapet qui n’était qu’une simple levée de terre, non achevée par endroits, et qui présentait un front de près d’une lieue à défendre par une troupe n’ayant pas quatre mille hommes contre une armée qui en comptait quatorze mille. Richelieu, qui s’est toujours piqué d’une certaine compétence militaire, blâme beaucoup cette invention. Mais, on la lui a aussi reprochée comme une conception qui sentait plutôt le prêtre que le soldat.

Le 6 au soir, le Roi, après avoir passé le Loir à Duretal, vint coucher au Vergier, à trois lieues d’Angers. La nuit, il tint conseil, et donna lui-même ses ordres, pour éviter toute surprise. Le 7, il partit du Vergier, à six heures du matin. Il vint dîner sous un grand arbre, à trois quarts de lieue d’Angers et à une demi-lieue seulement des Ponts-de-Cé. Il était sur une hauteur et voyait se développer, devant lui la route fortifiée. À une heure, il s’arma de sa cuirasse et commanda qu’on s’armât autour de lui. Il monte à cheval, à une heure trois quarts, sur l’Armerik, cheval d’Espagne, et se porte sur sa gauche, vers les Ponts-de-Cé, ses gardes galopant autour de lui.

On avait, en effet, envoyé une forte reconnaissance de ce côté, et les maréchaux de camp de l’armée royale, ayant observé la faiblesse de la défense sur ce point, avaient décidé de porter là leur