Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/742

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Luçon. Ils étaient si près l’un de l’autre, qu’à certains momens, on eût pu croire qu’ils allaient se rapprocher et s’unir. Mais la division de fond était entre leurs personnes. C’est pourquoi, ils ne pouvaient s’entendre, tout en se cherchant toujours. De là, ces missions incessamment renouvelées, durant tout le printemps, et qui faisaient hausser les épaules au prince de Condé, la mission de Montbazon, les trois de Blainville, celle du cardinal de Sourdis et le va-et-vient incessant des prêtres et des moines, portant de l’un à l’autre des paroles de conciliation et des propositions d’entente qu’on écoutait toujours avec complaisance, sans se décider à y adhérer une bonne fois.

De là, ces hésitations si frappantes dans la conduite de Luynes et dans celle de la Cour. Vers le milieu d’avril, le Roi quitte Fontainebleau pour s’avancer sur la Loire jusqu’à Orléans. On peut croire qu’il s’agit d’une mesure d’intimidation à l’égard de la Reine-Mère : celle-ci s’alarme, tout d’abord. Mais, rassurée bientôt par les avis qui lui viennent de la Cour, elle s’enhardit jusqu’à demander des explications. Montbazon, au nom de la Cour, lui affirme que « le but du voyage du Roi est de témoigner à la Reine son amour filial… Votre absence lui semble avoir déjà duré dix siècles. Il ne peut plus davantage patienter sans vous voir. » Ces explications du bon duc furent accueillies par un éclat de rire. D’ailleurs, le Roi, à peine arrivé à Orléans, s’en retourne et rentre à Paris. Condé, furieux, s’en va bouder en son château de Bourges. Luynes, libéré, s’enfonce, de nouveau, dans ses hésitations ; il demande avis à tout le monde, et, les ongles aux dents, écoute sans répondre.

Le 29 juin, Bassompierre vient le trouver et lui donne une grave nouvelle : il a appris, de source sûre, que la comtesse de Soissons, accompagnée de son fils, du grand prieur de Vendôme, et du comte de Saint-Aignan, devait, le soir même, quitter Paris pour rejoindre la Reine-Mère. Pas de doute : ce départ, après l’échec des trois missions de Blainville, était le signal de la rupture définitive. Que fallait-il faire ? Arrêter les dissidens, dont l’exode, imité lui-même de celui de Mayenne, allait donner l’éveil à tous les partisans de la Reine-Mère et jeter, dans le royaume, la contagion de la révolte ? C’eût été le parti le plus énergique, le plus sage peut-être. Mais Luynes, qui a une journée pour se résoudre, hésite encore. Il va de l’un à l’autre, conte son histoire et son embarras. Il consulte les vieux ministres, depuis longtemps si