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l’on voyait les deux plus grands du Poitou, de la Religion prétendue réformée et plusieurs bons capitaines avec de fortes places sur toutes les rivières ; parti qui, sans se presser de prendre et assiéger des villes, devait, avec une grande armée, aller droit à Paris pour réformer les abus qu’on disait être en l’État : croyant la chose si facile qu’on la tenait comme faite. »

Et c’était l’évêque de Luçon, c’était Richelieu qui était l’âme de ce vaste complot. Autour de lui, il avait les Grands. En face de lui, il avait le Roi.


Car telle était, en revanche, la véritable force de Luynes, celle qui ralliait tous les hésitans, les amis de la paix, et, il faut bien le dire les braves gens, qui n’étaient pas plus satisfaits que les autres de ce qui se passait, mais qui s’en rapportaient tout uniment au principe, désormais établi, du respect de l’autorité royale. Un courtisan avisé et expérimenté, Bassompierre, s’en explique en termes clairs et savoureux : « Se tenir toujours au gros de l’arbre, suivre, non le meilleur et plus juste parti, mais celui où la personne du Roi se trouve, et où il y a le sceau et la cire. » La discipline nationale pénétrait déjà assez profondément les esprits et les cœurs pour que cette solution fût la seule qui satisfît les « bons Français. » Ceux qui s’y attachaient n’avaient pas de prétexte à trouver pour justifier leur conduite ; or, rien ne donne de la force comme cet apaisement des consciences.

Nicolas Pasquier, fils d’Etienne, écrivait, à cette date, des lettres où l’opinion des gens sages est exposée avec beaucoup de bonne humeur, et d’entrain. « J’estime qu’il n’y a rien plus malheureux en un royaume que les auteurs des ligues, factions et conjurations, puisqu’ils sont les vrais nourriciers de toutes sortes de misères, de maux et de calamités… mais, soyez assurés que cette Ligue, en son progrès et en sa fin, enfantera elle-même sa défaite… Il est impossible, quelque précaution qu’ils y apportent, que la division ne se loge parmi eux et, à la suite, leur ruine… Le Roi n’a qu’à lever une grosse et forte armée avec laquelle il lui sera aisé, les trouvant séparés, de les réduire, les uns après les autres, sous le joug de sa domination… car, quant à ce qui est du royaume, toutes choses y marchent avec l’ordre qui est nécessaire pour maintenir un État en bonne paix : les gens de guerre sont payés de leur solde, les officiers de leurs gages, le peuple de ses rentes, le gentilhomme vit sans alarmes en sa maison, le