douce et délicate invitait à la joie de vivre et à l’espérance. Tout s’éveillait, et l’année s’annonçait sous d’heureux auspices. La Cour d’Angers était pleine d’entrain et voyait arriver chaque jour de nouvelles recrues.
Enfin, on se décide, et après l’escapade du duc du Maine, après qu’on eut considéré l’étendue du mouvement qui s’accentuait par tout le royaume et l’importance des forces dont on croyait pouvoir disposer, après que la Reine-Mère s’en fut fait répéter, une fois encore, par Marillac, l’orgueilleux dénombrement, on prend le parti de la rupture et de l’action militaire. Richelieu dit, en propres termes, que cet avis ne fut pas le sien, et que, dans le Conseil où fut arrêtée cette résolution, il engagea la Reine à ne pas pousser les choses à l’extrême. Le mémoire où il aurait exposé ses vues et dont il nous donne l’analyse, contient, en effet, les plus sages conseils : « Que Luynes, en sa conduite, a l’avantage d’être à l’ombre de l’autorité royale ; que la raison est inutile contre la puissance ; que les peuples, qui souffrent le plus des maux de la guerre, se déclareront contre ceux qui la déchaîneront sur le pays ; que c’est, souvent, une grande prudence de n’user pas de l’excès de sa puissance ; que, pour éviter un tyran, en la personne de Luynes, Elle en rencontrerait plusieurs parmi ceux qui la serviroient ; qu’en toute affaire, avant d’y entrer, il falloit considérer comment on en pourroit sortir. » Tout cela était la sagesse même. Mais Richelieu ne pouvait pas ignorer que ces conseils ne seraient pas suivis ; en effet, parmi les confidens de la Reine-Mère, trois seulement, Marillac, Suffren et lui-même se prononcèrent contre la prise d’armes ; et il se rallia, bien promptement, à un autre système, qui paraît beaucoup plus conforme à ses propres intentions et qu’il expose en ces termes : « Faire armer ses amis et Elle, de tous côtés, pour faire montre de ses forces, donner au Roi les conseils qu’Elle juge nécessaires ; étonner ses ennemis par la crainte de ses armes, et, à l’extrémité, souffrir plutôt le mal que d’en venir aux mains. » Voilà donc le dernier mot de cette politique à la fois si fine et si téméraire. L’évêque était-il sûr de pouvoir dominer jusqu’au bout les passions et les événemens ?
En tout cas, il ne voulut rien laisser au hasard et, puisqu’on armait, il ne se refusa pas à devenir l’organisateur de la puissance militaire qu’il s’agissait de constituer. Il manifesta cette résolution prise, par deux actes qui engagent fortement sa responsabilité