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de ressources, Luynes en vient aux dernières plaintes : « Si nous pensions, en envoyant la châsse de sainte Geneviève, pouvoir vous toucher le cœur, nous le ferions, tant nous désirons la paix… Pour moi, après avoir fait ce que j’ai fait, j’en suis quitte devant Dieu, justifié devant mon Roi et hors d’accusation devant les hommes… Je prie Dieu qu’il mette la main à l’œuvre. » Cette lettre est écrite en août 1620. Mais, pour en être venues là, les choses avaient marché.


Tout, en France, est affaire de mode et de courant. La mode était, maintenant, à l’hostilité contre Luynes. La reine Marie de Médicis bénéficiait de cet état des esprits. Il y avait trois ans qu’on avait fait une sorte de révolution pour l’éloigner. Elle n’avait eu qu’à vivre, pour voir les esprits revenir vers elle. Pendant l’hiver 1620, Angers était devenu un véritable centre de gouvernement. Une Cour nombreuse, brillante, pleine d’intrigues, — en un mot une véritable Cour, — entourait la Reine. Fontenay-Mareuil voit encore, ici, la main de Richelieu. Pourtant, tel n’était pas son intérêt, ou du moins il n’avait pas intérêt à ce que les élémens qui se pressaient autour de la Reine-Mère devinssent prépondérans. Son autorité personnelle ne pouvait qu’y perdre. On sent bien que cette préoccupation ne le quitte pas. Si sa politique consiste à tenir la Reine-Mère éloignée, momentanément, de la Cour pour pouvoir rester maître de son esprit, il doit craindre, d’autre part, de la voir se subordonner à l’influence des grands personnages qui l’entourent. Certainement, si l’évêque avait à choisir, ce serait plutôt vers la Cour qu’il pencherait. Il n’a jamais perdu de vue la maxime, désormais gravée dans son esprit, que tout, en France, dépend du Roi. Or, à Angers, on voit des grands seigneurs, des aventuriers, des étrangers, des protestans, rien qui porte l’estampille royale. Ces gens là ne sont pas pour plaire longtemps à un homme qui, par nature, déteste la cohue des grandes assemblées. Mais il pense qu’il n’est pas temps encore. Il ne les attire pas, mais ne croit pas devoir se séparer.

La Reine-Mère, au contraire, passionnée et vaniteuse, ne pouvait pas ne pas être sensible à tant d’hommages, d’empressemens, de dévouemens qui s’offraient à elle. Elle se plaisait au murmure flatteur qui l’entourait, si différent du silence et de la solitude du château de Blois. Le printemps revenu répandait, sur les bords de la Loire, la neige fleurie des vergers. Une tiédeur