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de son beau-fils, Longueville, un balourd, très mécontent de la façon dont s’était accompli le marché qui lui avait attribué le gouvernement de la Normandie en échange de celui de la Picardie ; auprès des Vendôme, bâtards très arrogans, blessés par quelque manque d’égards de Luynes, et toujours prêts, d’ailleurs, à mettre au plus haut prix, dans les temps de crise, les velléités d’indépendance de leur fougueuse Bretagne. Donc, le duc du Maine en Guyenne, le duc de Longueville en Normandie, le comte de Soissons dans le Perche, d’Epernon en Augoumois, les Vendôme en Bretagne, tout cela formait les cadres d’un parti redoutable qui se constituait, pour ainsi dire, en dehors de la Reine-Mère et qui s’offrait à elle.

J’ai déjà indiqué l’évolution des chefs du parti protestant. Malgré la réserve où se tenaient les principaux d’entre eux, Bouillon, Lesdiguières, Duplessis-Mornay, ce mouvement s’accentuait. Un des chefs du jeune parti, d’âme inquiète et dont l’esprit remuait toujours de grandes choses, le duc de Rohan, s’était fatigué de sa sagesse et de sa neutralité. Il était venu, à Angers, voir la Reine. Il lui avait conseillé de n’en demeurer là, de se rendre à Bordeaux, et, faisant déclarer le Parlement pour elle, s’appuyant sur du Maine, sur d’Epernon, sur lui-même, Rohan, attirant probablement dans sa querelle Montmorency et Châtillon, de mettre une armée sur pied et, au besoin, de tenir la campagne.

Ainsi, pressée de toutes parts, poussée par Chanteloube, par Mathieu de Mourgues, par son médecin Vauthier, mollement déconseillée par Richelieu, la Reine ne pouvait faire autrement que décéder à la tentation. On se conjurait autour d’elle, et ses passions étaient de la conjuration.

De la Cour, on se tenait en contact constant avec Angers, par l’envoi incessant d’émissaires chargés de bonnes paroles, de protestations et de promesses. Mais il est difficile de démêler, parmi ces démarches embrouillées et parfois contradictoires, les véritables sentimens de Luynes. Autour de Marie de Médicis, on ne mettait pas en doute sa duplicité : « Le bon duc, dont le style a toujours été de baiser à la joue ceux qu’il avait l’intention de trahir… » C’est dans ces sentimens qu’on accueille les différens envoyés du Roi, qui accourent, l’un après l’autre, durant tout l’hiver et le printemps. C’est, d’abord, en janvier et février, le propre frère de Luynes, Brantes ;puis, en février encore, c’est un confident habile et sûr, Marossano, qui vient protester contre l’interprétation