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de sujets ou d’établissemens russes relatives à des concessions de chemins de fer qui, partant de la ligne principale de Mandchourie et se dirigeant au Sud-Ouest, traverseraient la région où sera construite la ligne chinoise aboutissant à Sin-min-toun et à Niou-tchang. » La Russie avait donc fait ses réserves, et, quand même elle ne les aurait pas faites, son droit était certain. Peut-être la ligne dont elle demande ou dont elle appuie la concession fera-t-elle concurrence à d’autres, auxquelles les Anglais se sont intéressés et dans lesquelles ils ont engagé des capitaux ; mais les Russes n’étaient certainement pas tenus de s’arrêter à cette considération. On leur a abandonné le Nord de la Chine ; ils en usent. Rien n’est plus légitime, et ce n’est pas l’Angleterre qui peut s’en plaindre. Elle l’a d’ailleurs compris. Le gouvernement le lui a fait comprendre. Lord Salisbury a été le premier à dire qu’il n’y avait dans la demande russe rien de contraire à l’arrangement du 28 avril. L’opinion, qui s’était méprise, s’est alors calmée ; mais il est facile de prévoir qu’elle s’énervera et se surexcitera de nouveau au premier incident. Lord Salisbury a raison, l’arrangement du 28 avril ne résout pas grand’chose, en dehors d’une difficulté immédiate et d’ordre secondaire. L’état psychologique des deux pays, l’un à l’égard de l’autre, reste le même, c’est-à-dire prompt aux malentendus, inquiet et inquiétant. Néanmoins, l’arrangement prouve qu’après avoir laissé passer le premier moment de mauvaise humeur, on peut s’entendre, trouver une transaction, et mettre au moins un relais sur la route qui risque de conduire à un conflit final. Un relais a souvent du prix ; il permet de se reposer et de réfléchir. L’arrangement du 28 avril en est un, puisqu’il donne du temps aux deux puissances ; et il est même quelque chose de plus, puisqu’il leur ouvre de l’espace à l’une et à l’autre et qu’il met entre elles une barrière. Qui aurait cru que la Grande Muraille pourrait encore servir à quelque chose ? Elle sert à limiter, aux yeux de l’Angleterre, la sphère d’influence de la Russie. S’il y en avait une autour du bassin du Yang-tsé-Kiang, nous saurions où il commence et où il finit, ce qui serait un bien.


Le général Galliéni vient d’arriver de Madagascar, et on annonce pour une date très prochaine le retour du commandant Marchand. C’est une fête pour Paris et une joie pour la France de revoir deux de ses enfans qui ont bien servi leur pays. L’œuvre du général Galliéni a été plus utile, mais ce n’est pas la faute du commandant Marchand si la sienne ne l’a pas été davantage : il faut reconnaître le courage, la patience, l’héroïsme, même lorsqu’ils ont été, hélas ! comme la voix