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a été complètement négligée. À la vérité, elle ne compte pas beaucoup d’États indépendans. Il y en a toutefois quelques-uns ; on les a traités par prétention. Pourquoi, par exemple, n’avoir pas invité à la Conférence la République du Transvaal et l’État d’Orange ? Leur présence y aurait été d’autant plus naturelle qu’elle se réunissait à la Haye, c’est-à-dire dans la capitale d’un pays d’où sont partis, il y a plusieurs siècles, les colons qui ont commencé de peupler l’Afrique australe. Des oppositions se sont produites, et on devine d’où elles sont venues : inclinons-nous. Quant au continent américain, il est représenté seulement par les États-Unis. On ne pouvait pas les oublier, dans une délibération qui intéresse l’humanité tout entière, le lendemain du jour où ils viennent de soutenir une grande guerre, contre qui ? contre une puissance européenne. Par cette guerre, ils ont fait irruption en Europe, et en s’emparant des principales colonies espagnoles, non seulement dans l’océan Atlantique, mais dans l’Océan Pacifique, ils se sont mis en contact, ou du moins en rapports avec le monde entier. Leur place était donc marquée autour du tapis vert de la Conférence. Mais il y a là un fait très significatif, qui, à la fin du XIXe siècle, ouvre en quelque sorte une ère nouvelle en étendant d’un seul coup presque démesurément la sphère où l’Europe avait jusqu’ici englobé ses intérêts. On regardait autrefois comme une nouveauté singulière l’admission dans un congrès européen d’un petit État comme le Piémont, ou d’un grand État, mais jugé jusqu’alors excentrique, comme la Porte. Les diplomates dissertaient à ce sujet à perle de vue. Que nous sommes loin de ce temps ! Combien d’autres surprises, en y regardant de près, n’aurions-nous pas aujourd’hui ? C’est une banalité de dire que les distances n’ont plus la même valeur qu’autrefois, ou même qu’elles n’en ont plus du tout. Les pays les plus éloignés les uns des autres par la géographie peuvent être très rapprochés par les intérêts, et cela seul compte désormais. En ce qui concerne les États-Unis, pour ne parler que d’eux, l’Europe est destinée dorénavant à les trouver partout. Ils sont devenus un des facteurs importans des affaires d’Extrême-Orient, et les affaires d’Extrême-Orient sont au premier chef les affaires de l’Occident. Dans ces conditions, la présence des États-Unis à la Haye n’était pas seulement naturelle ; elle était indispensable. Mais pourquoi avoir exclu tant d’autres républiques américaines dont la présence n’aurait pas été inutile à la Conférence, et qui ne sauraient rester indifférentes à son œuvre de civilisation ?

Une autre exclusion qui a paru plus singulière encore, c’est celle du Souverain Pontife. Nous savons bien que le Pape n’a pas de soldats,