fragmentaire. Il y a encore bien d’autres théories de l’immunité. S’il nous était permis d’employer un langage à la fois figuré et téléologique, nous dirions que les leucocytes sont investis chez les animaux des fonctions dévolues à la police et à la force armée dans les sociétés humaines. Ils sont préposés à l’office assez humble d’assurer le nettoyage et l’enlèvement des déchets, à la besogne plus cruelle d’achever les blessés et les incurables, et, enfin, à l’office plus noble de la défense extérieure contre les incursions des microbes. Avertis de l’agression qui se produit, ils affluent au point attaqué ; ils abordent l’ennemi corps à corps, s’y attachent, l’englobent, le détruisent par dissolution, le digèrent et l’absorbent ; ou, si l’absorption complète est impossible, ils viennent en rejeter les résidus à la surface des muqueuses.
La victoire des microbes n’est pas toujours assurée. Dire que le leucocyte est sûrement vainqueur du microbe, c’est dire, sous une autre forme, que l’organisme est immunisé. C’est, en effet, la question de l’immunité qui est en jeu. Mais il n’y a pas d’immunité, si le microbe est capable de résister avec succès, s’il possède des armes perfectionnées, ou l’avantage du nombre. Ses armes, ce sont ses sécrétions ; il est bien armé, s’il est d’avance, ou devient très rapidement, capable de sécréter une substance qui éloigne ou paralyse le phagocyte. Il aura la supériorité du nombre si sa prolification marche d’un pas plus rapide que le carnage qui en est fait.
Il arrive enfin que les leucocytes, vaincus à leur tour, succombent dans la lutte ; empoisonnés par la substance qu’ils ont incorporée, ils subissent la dégénérescence graisseuse et deviennent les globules du pus. Le pus est donc formé des cadavres des leucocytes vaincus. Et, bien que cette humeur doive, pour le bien de l’économie, comme toute autre partie mortifiée, être éliminée et rejetée, il n’en est pas moins vrai que sa production est un effort bienfaisant et une réaction salutaire de la nature contre l’agent morbide.
Mais d’ailleurs cette influence salutaire des phagocytes a sa contre-partie comme toute médaille a son revers. Il n’y a, en loi naturelle, aucune organisation qui soit absolument prédestinée au bien. Le bien ou le mal y sont affaire de mesure et d’appropriation relative ; leur considération n’intervient pas dans les plans de la nature. L’activité des phagocytes, souvent bienfaisante, peut être préjudiciable à l’organisme et à eux-mêmes. Ils peuvent refuser