Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/705

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bulles. Quand la provision d’air est épuisée, c’est-à-dire après quelques heures, ils cessent de se mouvoir et deviennent inertes. Si l’on glisse alors une aiguille entre la lame et la lamelle, le contact de l’air les ranime.

La faculté que possèdent les leucocytes de se saisir des corpuscules solides qui viennent à leur contact, de les englober et de les absorber, c’est-à-dire, selon l’expression de M. Metchnikoff, la digestion intracellulaire ou phagocytose est facile à observer. Il suffit de mêler à une goutte de lymphe de fines granulations de carmin ou de cinabre délayées dans de l’eau légèrement salée : on voit celles-ci pénétrer dans la masse protoplasmique leucocytaire, qui en est bientôt bourrée. Les anatomo-pathologistes avaient observé autrefois des globules blancs chargés de grains de charbon ou de vermillon, chez les sujets tatoués. On pouvait en conclure que quelques parties de la matière colorante introduite sous l’épidémie avaient été happées par les globules blancs. Haeckel, en 1862, ayant injecté de l’indigo chez un mollusque, la Thetys, retrouva les leucocytes du sang remplis de grains colorés. Mais l’observation directe du fait, s’accomplissant sous l’œil même de l’observateur, appartient à M. Metchnikoff. Ses premières constatations avaient eu lieu chez un mollusque marin de la Méditerranée, le Phyllirhoe, dont les tissus sont transparens. Il injectait au-dessous du tégument de l’animal de la poudre de carmin délayée dans l’eau. Bientôt après les leucocytes se montraient envahis par la matière colorante. Attirés de toutes les parties vers les granules carminés, les leucocytes affluaient autour de ces dépôts et s’y pressaient au point de confondre et de fusionner leur substance en une masse commune formant une plasmodie ou cellule gigantesque, analogue au clasmatocyte.

Aujourd’hui, dans les Laboratoires, cette expérience classique se répète, en mêlant à une goutte de sang fraîchement recueillie, de l’homme ou d’un mammifère, mais plus facilement encore à une goutte de lymphe de grenouille, un peu de vermillon ou de lait. Les leucocytes poussent des prolongemens (pseudopodes) vers les grains de vermillon ou vers les globules gras ; et, par ce moyen, elles les saisissent et les absorbent.

Le fait de la phagocytose était ainsi mis hors de conteste.


La généralité de ce phénomène résulte de ce que le leucocyte conserve sa faculté phagocytaire dans toutes ses pérégrinations.