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du déplacement d’un leucocyte vers le corps qu’il va dévorer, ce sont des affinités d’ordre chimique qui sont en jeu, c’est le chimiotactisme. La proie est attirante ou repoussante parce qu’elle laisse diffuser dans le liquide ambiant quelque substance particulière qui s’y répand irrégulièrement, va atteindre le leucocyte et affecter d’une façon inégale les différens points de sa masse. Si la substance était uniformément répartie dans le liquide qui baigne le leucocyte, celui-ci, également sollicité dans toutes les directions, ne bougerait pas.

Quelle que soit la cause de la rencontre, nous avons dit que le résultat en était l’englobement de la proie, qui est en quelque sorte mangée. De là les noms de phagocyte ou « cellule dévorante, » donné au globule blanc, et de phagocytose assigné au phénomène. Aucun autre élément de l’organisme, ou presque aucun autre ne possède cette singulière faculté d’englobement.


Tels sont les deux traits caractéristiques des globules blancs : la mobilité et le phagocytisme. Tous les autres en découlent. Leur histoire, si riche en faits d’un intérêt extrême pour la physiologie, la pathologie et la science générale, n’est que le déroulement des conséquences de ces propriétés fondamentales. Elles-mêmes ont une signification que M. Metchnikoff a bien mise en lumière. Elles sont les attributs des types les plus primitifs de la vie animale. Elles appartiennent aux cellules non encore différenciées, aux êtres monocellulaires qui occupent les premiers degrés de l’échelle, aux Rhizopodes, aux Amibes. Elles traduisent la vitalité énergique d’élémens qui sont restés indépendans, isolés, sans affectation particulière dans l’organisation sociale, sans fonction spéciale et élevée, et par cela même, plus aptes aux besognes de la plus simple animalité. Leur voracité est utile à la conservation de l’organisme social : en faisant disparaître les cellules vieilles, usées, malades, elles rajeunissent les cadres et font de la place pour les générations nouvelles. Et quand la fécondité de celles-ci s’épuise, les leucocytes viennent occuper les situations laissées vacantes, et conduisent l’organisme, ainsi rapiécé, par la dégénérescence sénile, jusqu’à la mort naturelle.

La mobilité des leucocytes, globules blancs ou phagocytes (tous ces noms leur sont appliqués) a pour conséquence première leur ubiquité. Ce n’est pas seulement dans le sang qu’on les rencontre ; c’est partout, dans tous les organes, dans toutes les parties du corps.