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par des moyens que l’on commence à connaître. Au premier rang est la phagocytose. La lutte de l’organisme contre les envahisseurs microbiens est une image des guerres humaines. Le tégument cutané ou muqueux, parfaitement continu partout, constitue comme une sorte d’enceinte fortifiée que le microbe ne peut franchir si quelque brèche n’y a été préalablement ménagée ; en deçà de cette muraille, dans la cité vivante, les phagocytes ou leucocytes, forment une immense armée défensive, sans cesse sur pied de mobilisation, ou, pour parler comme M. Duclaux, une police innombrable et vigilante.

L’histoire naturelle présente ici, comme l’histoire humaine, le tableau d’une guerre perpétuelle et acharnée avec des péripéties, des ruses, des pièges, une tactique, non moins variés et des armes non moins meurtrières. Le monde microscopique est l’image du nôtre ; les atomes s’y comportent comme les géans de la Fable. Il offre à l’imagination d’un Pascal l’occasion de s’abîmer dans la contemplation du ciron avec ses membres, ses jointures, ses humeurs, parties de plus en plus petites d’un tout imperceptible : et, dans la goutte d’eau, il dévoile à l’œil visionnaire d’un Hugo, comme une sorte d’épopée des infiniment petits,


Les guerres du volvox contre le vibrion.


Nous nous proposons un objet plus modeste et plus précis. Nous voulons brièvement exposer l’état de la science sur cette question de la phagocytose, qui intéresse à un si haut degré la physiologie et la médecine.


I

Les phagocytes ou leucocytes sont les élémens nomades de l’économie. Le corps de l’animal est une cité ordonnée, où tous les corpuscules vivans, tous les élémens cellulaires sont sédentaires ; ils ont chacun leur place et y restent. De là, la comparaison qu’on en fait habituellement avec les pierres d’un édifice ; comparaison qui n’est pas tout à fait juste, puisqu’il faut imaginer de plus que ces pierres microscopiques sont capables de s’accroître sur place, de s’y multiplier, et en s’agrandissant d’agrandir le monument sans en changer l’ordonnance. Il faut ajouter que cet accroissement et cette nutrition des élémens anatomiques se fait exclusivement aux dépens de matières liquides. Rien de solide, aucune