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fleurs superbes, d’une beauté singulière : elles éclosent, dans l’Etat en carence ou en défaillance, sur les pouvoirs en dissolution, comme les orchidées sur les bois pourris. Un gouvernement sain et sage ne s’en effraie pas, parce qu’il est sûr que, s’il est sain et sage, elles ne sauraient confondre leur objet avec le sien propre. En tout cas, la meilleure guerre qu’il puisse leur faire, c’est de s’appliquer à les rendre le plus rares possible. — Mais, même envers les autres associations, envers celles qui sont vraiment l’ossature de l’État, nous ne prétendrons pas, du reste, que l’Etat soit désarmé : si elles ont des droits envers lui, il n’en a pas moins envers elles. Nous nous bornons à désirer que ces droits soient répressifs et non préventifs ; qu’ils prohibent l’abus et non l’usage ; que la liberté soit la loi des associations, jusqu’à ce que, par des excès manifestes, elles se soient montrées incapables ou indignes de la liberté ; et, puisque ce sont des personnes, que leurs fautes soient personnelles, chacune ne répondant que de soi et toutes ne devant pas payer pour quelques-unes.

Telles sont les destinées que nous rêvons pour l’association, et telles, par l’association, les destinées que nous rêvons pour la démocratie. Si maintenant quelque homme prudent nous arrête et nous avertit que nous nous rencontrons en cela avec les socialistes ou du moins avec des socialistes, — car l’amour de l’association libre est loin d’être un caractère spécifique du socialisme, — il ne nous retiendra ni ne nous embarrassera. La réponse, en effet, est aisée, et elle est triple. — D’abord, quoique nous nous rencontrions en cela avec eux, en cela nous nous rencontrons également, — dix exemples extraits des constitutions de l’Europe l’ont prouvé, — avec les monarchies les plus conservatrices, et il y a compensation. — Puis, quand bien même nous ne nous rencontrerions qu’avec eux, avec M. Deville, M. Millerand ou M. Deslinières, et quand bien même la foi en l’association serait, — ce qu’elle n’est pas, — un dogme socialiste, nous nous dirions encore qu’une idée juste est juste par elle-même, presque indépendamment de ceux qui la soutiennent et la propagent ; que l’association ne cesse pas d’être bonne parce que les socialistes l’estiment bonne ; et que nous ne devons pas la chasser de l’Etat que nous voulons construire, parce que le socialisme lui ferait une place honorable dans l’État qu’il imagine. — Et enfin, s’il y a des idées justes dans le programme socialiste, n’est-ce pas encore