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la vie de l’État ; disons-le : pour organiser la démocratie en organisant le suffrage universel. La Révolution, politiquement comme économiquement, a isolé, abstrait, « déraciné » l’individu ; politiquement aussi, il faut lui faire reprendre racine, le replacer dans le concret, le rattacher quelque part à quelque chose. C’est le grand problème : ne point usurper sur la liberté de l’individu et ne point laisser dégénérer en anarchie l’excès de cette liberté même ; en tirer ou y réintroduire un ordre ; refaire de l’homme, tout en lui garantissant les droits solennellement proclamés et même en lui en donnant un de plus, refaire de lui, par un rapprochement légitime avec ceux qui lui sont le plus semblables parmi les hommes, un composant et non un décomposant social.

De cette organisation future, de cette organisation prochaine, l’association nous fournira les cadres ; nous instaurerons par elle un suffrage universel plus sincère et plus équitable, plus universel. Nous fonderons sur elle un régime représentatif plus intégral ou plus total, où seront représentés, avec l’individu en son lieu professionnel, en sa circonscription sociale, les intérêts collectifs, les forces collectives, les vies collectives. Et ainsi nous instituerons le grand conseil, non plus seulement des communes, mais des associations de France. Et ainsi nous constituerons, dans la démocratie française, cette portion ou cette réserve d’aristocratie, cependant toute démocratique, qu’il lui importe si éminemment de se constituer ; et ainsi nous monterons, et avec nous, par l’association, elle montera vers une forme plus élevée, plus stable et plus durable ; et ainsi elle passera de l’état inorganique, qui n’est que confusion, incertitude et agitation, à l’état organisé, qui est harmonie, sécurité et véritablement progrès, si le progrès, c’est l’ordre en mouvement.

Pour cette besogne d’avenir, nous comptons, avant tout et par-dessus tout, sur les associations que j’ai appelées permanentes, dont le type est l’association professionnelle. Nous ne nous en remettons pas à l’accident du soin de parer aux accidens : nous aimons mieux les éviter. Nous pensons aux associations qui sont, s’il est permis de s’exprimer de la sorte, intérieures à l’Etat, et en forment comme la charpente, plutôt qu’à celles qui lui sont extérieures et qui, par les temps d’orage, peuvent pousser à sa surface. — Il en est, de ces dernières, de certaines associations politiques qui naissent des circonstances, comme de certaines