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L’ASSOCIATION
DANS LA DÉMOCRATIE

Entre tous les spectacles que la France se prépare à offrir à la curiosité de l’univers, il n’en est pas de plus rare assurément, — ni de plus paradoxal, — que celui d’une république où le droit d’association n’existe pas. Ce n’est pourtant point faute d’en parler ou faute d’en sentir le besoin et la force. Depuis une dizaine d’années seulement, combien de fois ne nous a-t-on pas promis une loi sur les associations, et serait-il difficile de nommer tel ou tel homme politique qui s’en était fait comme une spécialité ? Nous, il est vrai, nous avions là-dessus quelque méfiance, sachant que, le temps, le milieu, les circonstances étant ce qu’ils étaient, et le courant des choses nous emportant où il nous emportait, ce ne serait probablement pas une loi libérale dont on nous gratifierait, et que sous la pensée qu’on proclamait se cachait une arrière-pensée. Aussi n’étions-nous pas pressés d’en faire l’expérience. Nous nous reposions d’ailleurs sur cette conviction que, si les articles 291 et suivans du Code pénal, visant les associations de plus de vingt personnes, n’étaient pas formellement, positivement abrogés, ils étaient du moins tombés en désuétude et comme en sommeil ; que de toutes parts se formaient, sans que le glaive de la loi se levât, toutes sortes d’associations ou de sociétés, et à toutes fins : comités électoraux, groupes d’études, orphéons et fanfares ; et dans ce silence bienveillant, — per arnica silentia lunæ, — nous nous réjouissions de voir la liberté s’épanouir en sa fleur et porter son fruit : l’association.

Mais il paraît que nous nous trompions et que le tribunal correctionnel