Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des bagues et d’autres menus objets. Cet or vient, ainsi que l’a démontré M. Gauckler, de l’éboulement des caveaux de la nécropole creusée dans la falaise.

Les bijoux étrusques ou l’orfèvrerie romaine d’un Castellani peuvent seuls donner une idée de la manière dont les Carthaginois ont travaillé l’or pour arriver à produire ces bijoux dont la finesse nous charme encore aujourd’hui. Ces élémens de colliers, ces pendeloques, ces boucles d’oreilles sont formés de la juxtaposition de globules d’or presque imperceptibles qu’on a groupés en anneaux, en perles et en cubes. On ne saurait dire la délicatesse des effets obtenus par l’union de ce travail de grènetis et de l’or massif. Les boucles d’oreilles surtout sont de petits chefs-d’œuvre d’orfèvrerie ; tantôt elles se terminent par de longues perles d’or, tantôt elles affectent la forme de lanternes, du milieu desquelles s’élève une pyramide de grains d’or. Ces bijoux ne sont pas propres à la nécropole de Bordj Djedid, et les plus beaux sont ceux peut-être que nous livrent les plus anciennes tombes. C’est dans l’une d’entre elles que M. Gauckler a trouvé tout récemment le mort portant encore au doigt un anneau d’or avec quatre cynocéphales gravés sur le chaton ; à l’oreille gauche, un pendant d’oreille avec le symbole de Tanit ; au cou, un grand collier d’or massif formé de quarante élémens de formes variées, symétriquement disposés de part et d’autre d’une broche centrale, figurant un croissant en turquoise qui retombe sur un disque en hyacinthe. Un autre collier en argent complétait la parure.

Une curieuse statuette en terre cuite nous permet de nous rendre compte de la façon dont ces bijoux étaient agencés. Elle représente une déesse assise, dont le manteau s’arrondit autour du buste en forme de disque. Sur la tête elle porte une haute coiffe, décorée d’un triple rang de roses, de disques et de feuilles de laurier. De longues boucles d’oreilles en forme de coquillages pendent jusqu’au bas des joues. Sur sa poitrine s’étalent trois amples colliers qui couvrent le buste tout entier. Le premier, qui entoure le cou, est composé de perles ; le second, d’olives plus grandes et disposées en éventail ; le troisième de disques plus grands encore. Ce type devait répondre à une toilette en usage, car nous le voyons reparaître sur plusieurs statuettes presque identiques : sur l’une d’elles, trouvée à Tharros, la poitrine de la déesse est toute couverte du haut en bas de six rangées de bijoux dont chacune reproduit un motif différent.