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portent des scènes et souvent des légendes égyptiennes ; les amulettes qui alternent avec les rangées de perles sur ces colliers en pâte de verre qu’on trouve en si grand nombre, reproduisent les sujets familiers à l’Egypte : l’oudja, l’œil sacré d’Osiris, la figure grotesque et trapue du dieu Phtah, des croix ansées, de petites tables à libation ; les uraeus entourant le disque solaire sont un des motifs favoris des pendans de collier comme des boucles d’oreilles ; ils entrent dans la coiffure des déesses, auxquelles ils forment par leur juxtaposition une sorte de haute couronne rappelant la couronne tourelée de Cérès.

Les articles de fabrication égyptienne tiennent sans doute une grande place parmi ces amulettes, ces intailles, tous ces bibelots qui se colportent avec une extrême facilité et ne sont arrêtés que par la tombe ; mais on ne saurait expliquer par l’importation étrangère les terres cuites, les bijoux d’argent et d’or, dans lesquels on reconnaît l’imitation de l’Egypte jointe à certains caractères propres qui les désignent à nous comme étant de fabrication indigène.

On retrouve ces caractères même sur certaines figurines absolument égyptiennes par la posture du corps, par l’agencement et les détails du costume. Aux formes sveltes et gracieuses de la femme égyptienne, si pures de lignes qu’elles semblent à peine humaines, on a substitué des corps plus massifs et plus charnels. La tête surtout n’est pas égyptienne : des yeux à fleur de tête singulièrement expressifs, la racine du nez puissante, les lèvres sensuelles, le menton proéminent. On sent que l’artiste a eu sous les yeux un modèle carthaginois.

Nulle part ce mélange d’imitation et d’une interprétation réaliste et personnelle n’apparaît mieux que dans ces masques de terre cuite, que l’on trouve fréquemment dans les tombes puniques, et qui sont certainement une des formes de l’art où s’est le plus librement donné carrière l’originalité du génie carthaginois. Chose curieuse, ces masques sont percés, au sommet de la tête et parfois sur les côtés, de trous de suspension, et pourtant ils n’étaient pas suspendus dans la tombe, mais déposés à côté du mort. Ils n’étaient pas non plus destinés à recouvrir sa figure, ils sont trop petits pour cela.

Quoi qu’il en soit, leur ressemblance avec les masques funéraires égyptiens est frappante. À voir certains de ces masques de femme, on croirait des masques de momies. La coiffure, relevée