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LES FOUILLES DE CARTHAGE

Depuis quelque temps, Carthage, qui semblait avoir été si bien détruite par les Romains que ses ruines mêmes avaient disparu, attire de nouveau l’attention publique. Il n’est guère de semaine où les Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions ne nous apportent le récit de nouvelles découvertes faites dans ses nécropoles par le zèle infatigable du Père Delattre.

L’intérêt provoqué par cette résurrection du passé a franchi le cercle du monde savant ; les touristes s’empressent d’aller assister à l’ouverture de ces tombes, dans l’espérance de voir reparaître à la lumière quelques débris contemporains des Magon, des Hamilcar et des Hannibal. L’administration supérieure, elle aussi, a compris l’importance de ces découvertes pour l’histoire de la Tunisie. Sous le patronage éclairé de notre résident général, et grâce aux subventions du ministre de l’Instruction publique et de l’Académie des Inscriptions, M. Paul Gauckler, directeur du Service des Antiquités et des Arts en Tunisie, a ouvert un chantier à côté de celui du Père Delattre, et, dans la prolongation même des fouilles qui lui avaient donné de si heureux résultats, du premier coup de pioche, il est tombé sur une mine plus riche que toutes celles que l’on avait exploitées jusqu’alors.

Sous une première couche byzantine, il a découvert un petit sanctuaire souterrain d’époque romaine, soigneusement muré, où l’on avait entassé, sans doute en attendant des temps meilleurs et pour les préserver contre le zèle de la nouvelle religion, les listes des prêtres, des ex-voto, groupes mithriaques, tête de taureau portant entre les cornes une inscription votive à des dieux demi-barbares, enfin des statues de marbre, dont plusieurs sont dignes de figurer à côté des œuvres de la grande époque de la Grèce