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la chose. Les premières séances de la deuxième classe de l’Institut n’ont encore rappelé que l’Institut, elles ont ressemblé à des assemblées de section dans les temps révolutionnaires ; mêmes formes, mêmes cris. — Président, je demande la parole ! — Citoyen, vous avez la parole ; puis la sonnette, etc. Les anciens académiciens en sont sortis tout scandalisés.

La censure des théâtres ne sait plus où se prendre. Le pauvre Picard, qui, de tout l’hiver, n’a presque éprouvé que des chutes, espérait de se relever un peu pendant les jours gras, par une farce que l’on dit très gaie, intitulée : le Carnaval de Beaugency. On lui a défendu de la jouer, comme étant au-dessous de la dignité de son théâtre. Quelle noblesse de caractère, quels soins délicats dans un Préfet du Palais ! Faire mourir de faim par dignité les acteurs d’un théâtre dont la gaieté est le principal mérite ! Il est vrai qu’on leur permet de jouer le Georges Dandin, de Molière, qui certes est plein de dignité et qui aura trouvé grâce devant ces messieurs, par ses plaisanteries contre les petits gentilshommes.


Paris, le 7 mars 1803.

Bonaparte continue à régner avec une plénitude de pouvoir que ne déployèrent jamais nos rois. Les oppositions s’éteignent ou s’affaiblissent. Les jacobins ont vu diminuer leurs rangs par des désertions nombreuses. La plupart d’entre eux ont cédé aux séductions de la faveur, à l’appât des emplois ; le fanatisme est mort parmi eux, et c’est au fanatisme que le parti devait son existence et sa force.

La haine des républicains pour Bonaparte est toujours implacable. Ils ne lui pardonneront ni l’envahissement de l’autorité, ni le rétablissement du culte catholique, ni son mépris pour les philosophes. Tout cela se borne à quelques plaintes sourdes et timides au dedans, que démentent en public de lâches adulations pour le sauveur de la France.

Les royalistes, plus faibles parce qu’ils sont éloignés des places, plus sévèrement surveillés, peut-être moins unis entre eux, sont aussi moins redoutables aux yeux du Gouvernement. Il est vrai que leurs racines s’étendent profondément dans le cœur de la nation, qu’il ne faudrait qu’un événement pour les armer d’une puissance irrésistible ; mais, tant que cet événement n’aura pas lieu, ils ne pourront qu’attendre et observer dans le silence.

La masse des citoyens n’aime pas Bonaparte, mais on ne peut