corps n’a pas été porté directement de l’église au cimetière, mais qu’il a fallu d’abord le rapporter à la maison pour prendre la députation de MM. de l’Institut, qui probablement ont fait le vœu de n’entrer jamais dans une église, du moins en corps.
Laharpe est mort très chrétiennement, il a conservé toute sa tête ; il a reçu les sacremens avec la plus grande dévotion et a répondu aux prières des agonisans, avec toute la ferveur d’un chrétien persuadé et tout l’enthousiasme d’un poète, qui admire les beautés poétiques jusque dans les prières qui ne semblent faites que pour nous sanctifier. Il interrompait quelquefois le prêtre pour se récrier sur la sublimité, sur le pathétique de ce qu’il entendait ; et, Fontanes étant entré chez lui dans ce moment, il lui témoigna son admiration de la même manière et rendit grâce à Dieu de lui avoir laissé assez de présence d’esprit pour goûter ces augustes consolations.
Le nombre des prétendans aux places vacantes, dans l’ancienne Académie ressuscitée, s’est accru si étrangement, que de mauvais plaisans ont prétendu qu’il se montait à 30 000, et ce qu’il y a de plus extraordinaire, disaient-ils, c’est que, dans les 30 000, il n’y en avait pas un seul que l’on pût traiter d’insolent… Et, en effet, quel orgueil y a-t-il à vouloir être d’une société où siègent Merlin, La Reveillère, Regnault Saint-Jean-d’Angély et consorts ?… Parmi ces prétendans, nous ne connaissons encore que Maret, secrétaire des Consuls, le général Dumas, qui même n’a pas fait de démarches directes, et Lacretelle aîné. Si l’Académie est libre, elle ne nommera aucun des trois. Nous ignorons pour qui penchent les Instituts, mais il est probable qu’ils ne voudront ni d’un membre du Gouvernement, ni du plus niais des constitutionnels. Quant aux anciens académiciens, leur vœu serait de rappeler Gaillard, leur ancien confrère, qu’on a placé dans l’Académie des Inscriptions. Ils voudraient même nommer, à la place de Laharpe, M. de Choiseul-Gouffier, qui, dans la distribution officielle, a été traité comme Gaillard. Ils seraient aussi bien aises de s’associer Dureau de la Malle, le traducteur de Tacite.
Ce qu’il y a de remarquable dans tout ceci, c’est l’effet qu’a produit le seul mot d’Académie française, quoiqu’il ne soit pas encore prononcé publiquement. Il produit seul ce concours, ou, du moins, il fait seul concourir des hommes estimables qui n’auraient jamais brigué une place à l’Institut. C’est si bien le nom seul, que, jusqu’à présent, on n’a pas un grand espoir de voir renaître