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convenir qu’il y a réussi auprès d’un certain nombre de personnes.


Paris, le 11 janvier 1803.

Mme Bonaparte vient d’être malade. Elle s’était purgée, dit-on, avec de l’huile de Palma Christi, laquelle, se trouvant ou rance ou falsifiée, lui a occasionné une violente superpurgation, suivie de quelques jours de fièvre. On ajoute que l’épouse du Premier Consul s’est crue empoisonnée et ne l’a pas dissimulé. Ses soupçons peuvent être mal fondés, mais on ne peut pas dire qu’elle doive être sans inquiétude à cet égard. Quoi qu’il en soit, Bonaparte est toujours très attaché à sa femme, mais il la rend très malheureuse. Il ne peut se décider à se séparer d’elle, ni à consacrer son mariage par l’intervention de l’Eglise, à laquelle des gens bien instruits prétendent qu’il n’a jamais eu recours. Cependant Mme Bonaparte est entourée du faste d’une reine ; elle donne des diamans à ses dames du palais. Mmes de Rémusat et de Luçay ont reçu des colliers d’une richesse extrême pour leurs étrennes, des robes de cachemire et de perse, sans parler des moindres atours. Heureuses si les liens d’une amitié véritable peuvent diminuer à leurs yeux la honte de recevoir des gages et des étrennes d’une femme dont l’incroyable fortune ne peut réparer la réputation !

Mlle Talhouët, dont la mère est dans les dignités à la nouvelle Cour, avait été forcée d’épouser le général Lagrange, pour ne pas faire perdre à sa famille les bonnes grâces du Premier Consul. Les manières impolies de cet homme grossier et souvent ivre portèrent son épouse à faire part de ses peines domestiques à sa mère, et celle-ci en prévint le général Menou, qui a un peu d’ascendant sur Lagrange. Quelle fut la surprise de Mme Talhouët lorsque Menou lui dit, après l’avoir écoutée : « Comment, Lagrange a épousé votre fille ? Mais il a femme et enfans en Égypte. » Ces paroles furent un coup de foudre pour la mère et la fille. Cette dernière a succombé sous le poids de son malheur, quelques jours après, dans les transports d’une fièvre violente…

Il y a quelques jours que le bruit courut que l’inexorable Defermon allait passer au Sénat. On parlait de donner sa place à un nommé Hennet, homme assez peu connu. Ce bruit occasionna dans les fonds un mouvement favorable. On en parle moins aujourd’hui, mais la nouvelle se soutient encore. A-t-on raison de