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UN DOCUMENT INÉDIT
SUR LA
PÉRIODE NAPOLÉONIENNE[1]


28 octobre 1802.

Ce serait bien en vain qu’attentifs à tout ce qui peut les éclairer sur ses véritables intérêts, les serviteurs du Roi voudraient s’attacher à observer le cours de l’opinion, à en déterminer la direction et à en calculer l’influence et les résultats. Il n’existe d’opinion publique dans un pays que lorsque la masse des citoyens éclairés est réunie dans la même pensée et tend vers le même but ; toutes les fois qu’il n’y a unité ni dans les vues, ni dans les intentions, il se forme des partis et des fractions de parti, mais il n’y a pas réellement d’opinion. C’est précisément la situation où se trouve la France en ce moment.

Le philosophe, dominé par un fanatisme antireligieux qui s’accroît de ses défaites comme de ses succès, rapporte toutes ses pensées à la destruction du christianisme, et ne fait de la République qu’une affaire secondaire, un instrument d’impiété. S’il trouvait un Roi qui fût disposé à partager son délire et à servir ses desseins, il en ferait son héros, et, oubliant à l’instant toutes ses belles maximes de liberté et d’égalité, il irait jusqu’à soutenir que le despotisme est une chose fort raisonnable.

Le républicain de bonne foi, séduit par les nouvelles théories politiques, ne voit, dans la Monarchie, que des tyrans et des esclaves

  1. Voir la Revue du 1er mai.