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Il n’y avait aucune illusion à se faire sur les conséquences de l’entrée en scène de l’Allemagne sur le Rhin. Le ministre de la guerre, Randon, exposait qu’il pouvait encore disposer, pour protéger notre frontière nord-est, d’une artillerie respectable et d’une cavalerie nombreuse, mais qu’il manquait d’infanterie, et il sollicitait l’autorisation, — ce qui ne s’était jamais fait, — d’appeler la garde nationale mobile, conformément à la loi de 1831. Nous n’aurions, au premier choc de l’invasion germanique, opposé que 120 000 hommes au plus, ce qui eût été insuffisant, bien qu’ils fussent commandés par le vainqueur de Malakoff. Il eût fallu, en toute hâte, ramener par les voies rapides notre armée d’Italie au secours de la frontière menacée. Serait-elle arrivée à temps pour nous tirer de péril ? C’est douteux, vu l’insuffisance de notre réseau ferré, mais ce qui n’est pas douteux, c’est que le Piémont, laissé seul aux prises avec les Autrichiens dont les forces étaient au moins doubles, eût été anéanti.

Dans ces conditions, quel était, des deux alliés, le plus intéressé à une paix quelconque et immédiate ? N’était-ce pas le Piémont ? C’est pourquoi, indépendamment des raisons personnelles auxquelles il n’était pas insensible, le prince Napoléon, absolument dévoué à son beau-père et à l’Italie, conseilla de finir la guerre, aussi fiévreusement qu’il avait poussé à la commencer ; c’est pourquoi Victor-Emmanuel ne fit aucune objection, n’opposa aucune résistance et crut même inutile de consulter Cavour. Il était, à coup sûr, dépité de cet arrêt à mi-route, mais l’Empereur ne l’était pas moins. À quoi eût conduit de s’obstiner contre la force des choses ? Ne valait-il pas mieux s’arrêter en emportant la Lombardie que d’être rejeté, la baïonnette aux reins et les mains vides, jusqu’à Turin ?


VI. — LES PRÉLIMINAIRES DE VILLAFRANCA


I

Vouloir la paix ne suffisait pas ; comment l’obtenir ? Le prince Napoléon proposait une démarche directe auprès de la Prusse : ce n’était ni sûr, ni digne. L’Empereur préféra s’adresser à son ami Palmerston. Il lui fit demander par Persigny (4-5 juillet) s’il ne consentirait pas à intervenir entre les belligérans sur les bases suivantes : — 1° la Lombardie, Plaisance et Carrare à la