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à Luynes, et cette nomination avait eu lieu sans qu’on prît la peine de la consulter, — alors qu’il s’agissait de son plus jeune fils, de celui sur la tête duquel elle commençait à reposer toutes ses espérances.

Dès le retour du Roi à Paris, M. le Prince sortait de Vincennes, et le Roi lui accordait une entrevue des plus cordiales, le 16 octobre, à Compiègne. Bientôt cette délivrance était suivie d’une lettre cavalière de Condé à Marie de Médicis et d’une déclaration du Roi, enregistrée au Parlement, qui, en revenant sur les causes de l’arrestation, incriminait rétrospectivement le gouvernement de la Reine-Régente, la conduite de ceux qui, « abusant de notre autorité… ont porté toute chose à une grande et déplorable confusion, » et enfin « les artifices et mauvais desseins de ceux qui voulaient joindre à la ruine de notre dit État celle de notre dit cousin. » Pour la Reine et pour ses conseillers, ces paroles prononcées et sanctionnées solennellement, au lendemain de l’entrevue de Couzières, étaient, il faut le reconnaître, une griève offense.

D’Angers, on se plaint très haut. Le Roi, qui n’a jamais été plus abondant en épîtres respectueuses, admet ces plaintes, les enregistre complaisamment, promet d’en tenir compte, et s’en tient là. Cette correspondance, toute mielleuse, dictée par Luynes, couvre un nouvel affront. En décembre, la Reine apprend qu’on vient de procéder à une promotion de soixante membres de l’ordre du Saint-Esprit. Non seulement on ne lui a pas soumis cette liste, sur laquelle Luynes entasse ses parens, ses amis, ses complaisans, ceux qui lui sont acquis et ceux qu’il veut gagner ; mais on écarte avec soin tout ce qu’elle avait appuyé et recommandé.

La coupe déborde ; depuis des semaines, déjà, on est, à Angers, en de longues conférences sur les résolutions à prendre. Le mécontentement de la Reine-Mère donne prise, de nouveau, à la cabale intransigeante. Elle s’était reformée autour du gouverneur de Chinon, Chanteloube : « C’était chez lui le bureau des nouvelles, dont les moindres figuraient à la Reine le Roi irréconciliable, mettaient sa liberté en compromis et ne lui faisaient voir que mépris pour elle, dans la Cour, et salut dans les armes. » Comme on le voit, ce parti poussait à la guerre.

La tentation était forte. Tout le royaume paraissait s’insurger