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L’évêque de Luçon avait épuisé à peu près tous les argumens dilatoires lui permettant de retarder l’entrevue du Roi et de la Reine-Mère. Luynes le pressait, dans les termes les plus affectueux. Il envoyait près de Marie de Médicis ses propres parens, Montbazon et Rohan, avec mission de hâter les choses et de tout promettre, au besoin. Ceux-ci mettent bravement leur signature au bas d’un document solennel où ils se portent caution de la volonté du Roi d’exécuter ses engagemens et de donner à la Reine toutes les satisfactions qu’elle réclame dans l’exécution du traité d’Angoulême. Au milieu du désordre universel, on en était là que les sujets répondaient pour le Roi. Cependant Richelieu tardait toujours. Qu’attendait-il ?

Il faut dire franchement les choses : l’homme n’était pas content. Il y avait un point dont on ne parlait pas et auquel il pensait toujours : c’est la promesse, qu’il avait cru saisir à demi-mot, d’un chapeau de cardinal. Sous quelle forme cette promesse s’était-elle produite ? Avait-on parlé ? Avait-il bien compris ? Avait-il cru comprendre ? Certes, il y avait eu quelque chose, un sourire, un mouvement d’épaules. Et vif comme il était, trop vif, il avait deviné, souri ! Il aimait autant ne pas insister, de peur de dissiper l’illusion ou d’éclaircir le malentendu qui, par le temps, devenait presque un titre. Cependant, il traînait la négociation en longueur, curieux de savoir si on parlerait. On se taisait.

À la fin, il ne put plus y tenir. Il voulut se rendre compte par lui-même et partit, soi-disant en fourrier, pour préparer le voyage de la Reine. Il rejoignit la Cour à Tours. On ne sait rien de ce qui se fit ou se dit pendant les cinq jours où il fut là seul parmi ses adversaires. Il est permis de penser, cependant, que ce voyage fut une faute : Luynes, à son tour, dut comprendre, à cette démarche précipitée, qu’il le tenait.

Quoi qu’il en soit, on se mit d’accord pour décider que l’entrevue si désirée aurait lieu, sans autre délai, au petit château de Couzières, appartenant au duc de Montbazon, à quelques lieues de Tours. La Reine devait partir d’Angoulême et le Roi la rejoindre, venant de Tours, le S septembre. De part et d’autre, on fut fidèle au rendez-vous. La maison était si petite que, dans ce beau pays de Touraine, parmi les grâces d’un automne naissant, la rencontre eut lieu dans le jardin. La Reine avait couché la veille au château. Le Roi arriva, le 5, à onze heures et demie du matin.