Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnait de nouveaux gages, où il lui rendait de nouveaux services ? Car, c’était justement l’heure où, sous son influence, la Reine-Mère se débarrassait définitivement des chefs de la cabale intransigeante. En effet, à la nouvelle de la conclusion définitive, Ruccellai, qui, la veille de l’accord, détenait ou croyait détenir encore le secret de la Reine, mit, lui-même, un terme à ses propres lenteurs. Après avoir imaginé mille moyens plus extravagans les uns que les autres pour essayer de reprendre quelque autorité sur la femme qu’il avait tirée d’embarras et qu’il croyait aimer, le malheureux, se voyant repoussé par une volonté désormais inflexible, ne se sentit plus d’autre courage que celui de la fuite. Perdu de douleur et de dépit, il ne sut ni préparer sa retraite, ni la vendre, la faire ni honorable, ni profitable. Il posa des conditions qu’on n’accepta pas et n’accepta pas à temps les offres qu’on lui fit. Il partit, et cet « esprit désespéré, » par une troisième trahison, — que peut-être son désespoir explique, — alla droit à la Cour, offrir brutalement ses services contre celle qu’il avait si bien servie. Son adversaire dit négligemment : « Sa retraite, qui avait été précédée de celle du marquis de Mosny… fut suivie de quelques autres personnes de peu de considération. »

Donc Richelieu restait le maître de la place contre ceux qui avaient poussé la Reine à la rupture. Et maintenant, il ne se pressait nullement d’achever la réconciliation et de la rendre manifeste par l’entrevue du Roi et de la Reine-Mère.

C’est que Luynes désirait vivement cette rencontre publique, tandis que Richelieu, libre à présent de choisir l’heure, entendait bien faire payer à son prix cette nouvelle concession. La lutte se précise entre le favori et l’évêque. Si l’on en croit leur correspondance, jamais ils ne se sont approchés de plus près. Mais c’est quand on s’approche qu’on se heurte. Tout, entre eux, est politesse, empressement, patte de velours ; on sent la griffe : « N’ayant jamais rien désiré avec tant de passion, écrit l’évêque, que de voir une étroite intelligence entre le Roi et la Reine sa mère, il m’est impossible de vous exprimer la joie que j’ai de voir quelle s’avance tous les jours, de telle sorte qu’on doive espérer de la voir bientôt à sa perfection. La Reine est tellement portée par son inclination à voir le Roi qu’il n’est pas besoin d’aucune persuasion envers elle.. Je vous supplie de croire que, de mon côté, je ne manquerai jamais de rendre au Roi et à l’Etat ce à quoi je suis obligé par mon honneur et ma conscience, les plus forts liens qui