reçus une plus grande affliction que par la perte de ce personnage. Ma propre perte ne m’eût pas causé plus de déplaisir. »
Cette douleur, Richelieu en eut, toute sa vie, le ressentiment. Elle resta fixée dans son cœur et, chaque fois qu’il eut à chercher, autour de lui, une capacité sûre et dévouée, il en revenait à la pensée de ce frère qu’une mort si brutale avait enlevé à la fleur de l’âge. Il pensait aussi à tant de familles françaises, frappées alors et décapitées par cette manie sanglante des duels. Puisque la noblesse n’était pas assez sage pour réformer elle-même l’abus qui la décimait, il se promettait, il se jurait d’y mettre un terme, l’heure venue, par l’intervention de l’Etat.
La mort du marquis de Richelieu jetait, en même temps, l’évêque de Luçon dans l’embarras d’une fortune particulière très compromise. Il paraît s’être trouvé, à ce point de vue, dans une passe des plus pénibles. Pour vivre, il s’était fait avancer, par ses fermiers, plusieurs années de revenus de l’évêché de Luçon. Son frère mourait pauvre, ou, plus exactement, couvert de dettes et réduit aux expédiens, disposant, en outre, par un testament irréfléchi, de ressources qu’il ne laissait pas dans sa succession. Nous avons vu, par le testament d’Avignon, que l’évêque n’avait pas les mêmes illusions ; s’il n’était pas plus riche que son frère, du moins il se rendait compte de sa misère. Après la mort du marquis, il dut, avec son esprit précis et pratique, s’appliquer au règlement d’une situation qui, remontant probablement à son père, menaçait de s’invétérer parmi les siens. Comment il s’en tira, comment il fit casser le testament de son frère, comment il désintéressa, apaisa ou découragea les créanciers, c’est un point sur lequel ses ennemis insistent dans des termes fort déplaisans pour lui. Il dut souffrir beaucoup, à cette époque, des embarras qui viennent du manque d’argent. Aussi, c’est à partir de cette date que, les circonstances aidant, il jeta les fondemens de l’immense fortune qu’il devait amasser rapidement dans les affaires publiques.
Une fois sa résolution prise de ne pas se laisser accabler par ce coup, il n’en mit que plus d’énergie et de rigueur au service de son ambition. Il avait besoin d’un homme sûr : à défaut de son frère, il le trouva dans la personne de son oncle, le commandeur de la Porte, qui ne le quittera plus désormais. Ce fut cet oncle que la reine Marie de Médicis bombarda immédiatement gouverneur d’Angers. On donna le gouvernement des Ponts-de-Cé à un