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conduite et celle du duc d’Épernon et qui, dans le présent, lui assuraient tout le bénéfice moral et le prestige de la conclusion de la paix.

Quant à Richelieu, il sortait de cette négociation singulièrement grandi. Dans des circonstances graves, il était apparu comme l’homme nécessaire. La Cour et l’opinion, avec la promptitude et la mobilité des impressions qui agitent sans cesse le monde politique, s’engouèrent tout à coup du mérite que les habiles seuls avaient discerné jusque-là. Le concert de la louange et de l’admiration s’élève soudain, autour de lui, avec une unanimité qui emporte jusqu’à ses adversaires. Jamais, peut-être, la supériorité de l’intelligence chez un homme n’a été reconnue et proclamée d’avance par une adhésion plus générale. C’est Bentivoglio, — qui, certes, n’est pas suspect, — écrivant au cardinal Borghèse : « Vous connaissez les éminentes qualités de l’évêque de Luçon et, dans cet accommodement, vous ne pouvez croire quelle louange il a méritée. » C’est l’abbé de la Cochère qui, bientôt, écrira de Rome : « Cet évêque, la fleur de nos amis, est, sans controverse, tenu ici pour le plus accompli et le plus digne prélat de France. » C’est l’autre nonce, l’archevêque de Tarse, écrivant à son tour : le ottime qualità di lei.

De partout, on se tourne vers lui, et sa correspondance s’enrichit des signatures les plus illustres. C’est à cet évêque d’un évêché crotté que s’adresse le prince de Condé « pour le remercier des services qu’il lui rend près de la Reine ; » le duc d’Epernon, ce glorieux, prend la plume lui-même pour lui écrire des complimens parfaits et pour lui demander de rendre compte de son dévouement à la Reine ; l’archevêque de Toulouse, fils du duc d’Epernon, pose, dans une correspondance active, les premiers jalons d’une amitié et d’un dévouement qui ne cesseront qu’avec la vie ; puis, c’est ce vieux et rogue duc de Sully, l’ancien ministre de Henri IV, qui, confit dans l’aigreur de la disgrâce, caresse, comme une heureuse fortune, le projet d’une alliance entre sa famille et celle de Richelieu, — de si petites gens, pourtant.

Bientôt, Richelieu verra se retourner vers lui même ceux qui, un instant, ont osé se déclarer ses adversaires. Et de quel ton fier et assuré il les reçoit ! À Hurault de Cheverny, évêque de Chartres, premier aumônier de la Reine, qui n’avait pas su prendre le parti de l’évêque en disgrâce, il écrit maintenant : « J’ai fait