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Ces deux hommes, le diplomate et le Père, paraissaient aptes, s’il en fut, à tirer la Reine-Mère de son obstination. L’un était la douceur et l’autre la patience même. Cependant, jusqu’à l’arrivée de l’évêque de Luçon, ils n’avaient pu rien obtenir. La Reine se perdait en récriminations infinies et dissimulait, sous ses plaintes, des calculs qu’elle n’osait dévoiler. D’ailleurs, la coterie de Ruccellai la retenait.

Dès que Richelieu fut arrivé, les choses changèrent. La Cour, fatiguée des lenteurs de la négociation, avait fait, de son côté, un pas en avant. Le Père de Bérulle faisait la navette entre Paris et Angoulême. Il suppliait qu’on allât au-devant des désirs de la Reine-Mère. En signe de bonne volonté, on résolut d’adjoindre aux deux négociateurs, un personnage ecclésiastique, plus important encore, le cardinal de la Rochefoucauld. Il quittait Paris, vers le 10 avril, et venait renforcer, de son intervention onctueuse, l’autorité du comte de Béthune et du Père de Bérulle. Il était muni d’instructions très conciliantes. Le 19, il était à Angoulême. La Rochefoucauld et Bérulle savaient qu’ils n’avaient qu’un appui et un espoir, c’était l’évêque de Luçon. Ils se confiaient en lui, lui disaient tout, lui dévoilaient leurs instructions. Ainsi il jouait avec les deux jeux à la fois et conduisait la partie là où il croyait devoir la gagner. D’autre part, en effet, il maniait l’esprit de la Reine, l’arrachait à l’influence de Ruccellai, l’entretenait dans la crainte des troupes royales en marche et du vigoureux Schomberg ; il tirait grand parti d’une entreprise dirigée contre la poudrière du château d’Angoulême. Peu à peu, Marie de Médicis, pressée, décontenancée, alarmée, dut céder. Elle comprit qu’elle agirait habilement en prenant au mot les envoyés du Roi qui, de leur côté, avaient été au bout de leurs instructions et qui même les avaient dépassées. Le Père de Bérulle avait fait, une fois de plus, le voyage de Paris. Il rentra à Angoulême, le 4 mai, juste à temps pour assister à un revirement complet de la Reine qui, soudain, accepta toutes les conditions de la Cour, annonça partout la paix, fit sonner les cloches et chanter un Te Deum.

C’était un grand succès pour l’évêque de Luçon. La Cour elle-même fut prise au dépourvu par la promptitude de l’adhésion de la Reine-Mère. Sous la pression du Père de Bérulle, on s’était laissé entraîner, de concession en concession, à accorder à la Reine des avantages qui, dans le passé, justifiaient à la fois sa