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RICHELIEU REBELLE

DU TRAITÉ D’ANGOULËME À LA BATAILLE
DES PONTS-DE-CÉ (1619-1620)


I

Autant qu’il est donné aux esprits du commun de pénétrer dans le secret de ces intelligences supérieures qui vont si loin et qui se cachent si soigneusement, on peut essayer de s’imaginer le tumulte des pensées et des émotions qui agitaient l’âme de Richelieu, au fur et à mesure que, sur l’ordre exprès du Roi, il s’éloignait d’Avignon et s’approchait d’Angoulême. L’heure était unique dans sa vie. Pris du frisson de joie et d’angoisse que donne la victoire prochaine, il était, cependant, plein d’activité, plein d’entrain et, avec la fièvre de l’action, d’une lucidité merveilleuse.

Il allait revoir la Reine ! Au premier regard, les yeux dans les yeux, sa fascination s’exercerait, il le savait ; il connaissait son pouvoir… Mais, il y avait l’entourage, ignorant encore la décision prise par le Roi et où la survenue de l’évêque allait jeter un

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  1. Pour toute cette partie de mon récit, je dois beaucoup à la communication obligeante qu’a bien voulu me faire M. Pavie, ancien magistrat à Angers, des épreuves de son très érudit ouvrage, qui doit paraître incessamment : la Guerre entre Louis XIII et Marie de Médicis (1619-1620).