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fond des choses, il est resté irréductible et s’est catégoriquement refusé à céder une parcelle quelconque de son territoire. On sait que le ministre italien à Pékin, accusé à tort ou à raison d’avoir mal exécuté ses instructions, a été rappelé et remplacé ; on sait aussi qu’en attendant l’arrivée de son successeur, les intérêts italiens en Chine ont été confiés au ministre britannique, mais que celui-ci, aussitôt mis en congé, est parti pour l’Europe. La situation de l’Italie en Chine s’est alors trouvée tout à fait anormale, et il était naturel que l’opinion s’en émût. Incontestablement, l’amiral Canevaro n’avait pas prévu la résistance qu’il rencontrait : il avait cru que le prestige de l’Italie suffirait pour amener le Tsong-li-yamen à composition, d’autant plus que l’Angleterre y avait en quelque mesure mêlé le sien : le ministre anglais à Pékin avait effectivement été chargé d’appuyer la demande de M. di Martino et d’aider son collègue de ses bons offices. Le Tsong-li-yamen ne s’en est pas montré moins intraitable, et il a fallu s’avouer bientôt que la simple persuasion ne suffirait pas à changer ses sentimens. Dès lors, que faire ? L’amiral Canevaro, lorsqu’il a rendu compte pour la première fois devant le Parlement de ses négociations diplomatiques, — c’était avant les vacances, — a reconnu avec franchise que le gouvernement britannique avait désapprouvé d’avance toute action matérielle, et déclaré nettement que, si l’Italie y recourait, il reprendrait lui-même toute sa liberté. Les engagemens de l’Angleterre n’allaient pas au delà de l’appui moral à prêter à l’Italie. Ce n’était pas assez pour vaincre la difficulté. Dans un pays vraiment parlementaire, le ministère aurait étroitement associé les Chambres à sa politique ; en Italie, au contraire, il les a prorogées sans qu’on puisse d’ailleurs s’expliquer pourquoi, car il n’a rien fait dans l’intervalle, et la situation ne paraît pas s’y être sensiblement améliorée.

Le nouveau ministre italien voguait vers la Chine ; il doit être maintenant sur le point d’y arriver. On ignore quelles sont ses instructions. Il semble que le général Pelloux ait été au-devant de la crise ministérielle et qu’il l’ait provoquée ou brusquée lui-même pour n’être pas interrogé sur ce point mystérieux et périlleux. Après une première escarmouche, il a suspendu le combat en se retirant du champ clos. « Il aurait été facile au gouvernement, a-t-il dit, d’obtenir le renvoi à une date indéterminée de toute motion qui aurait été présentée à la Chambre ; mais il a cru plus patriotique, et plus conforme à l’intérêt général, de ne laisser se produire aucun vote. Le seul fait, a-t-il ajouté, que nous puissions consentir à baisser mettre aux voix le retrait éventuel de nos navires dans la mer Jaune