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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra : Guillaume Tell. — Théâtre Lyrique de la Renaissance : Obéron. — Théâtre de l’Opéra-Comique : Le Cygne, ballet de MM. Catulle Mendès et Charles Lecocq.


Je reviens toujours, et toujours pour y souscrire, à ce jugement de Montégut sur Rossini :

« Personne, je crois, et dans aucun art, n’a exprimé avec autant de puissance et de charme les sentimens qui sont doux au cœur de l’homme. Rossini est par excellence le chantre du bonheur. On a tout dit en vérité sur sa musique, lorsqu’on a dit que son caractère est d’être radieuse et de porter l’allégresse dans l’âme de ses auditeurs… Le bonheur est tellement l’essence de sa nature et la pente nécessaire et instinctive de son génie, que, même lorsqu’il exprime les passions les plus cruelles ou les sentimens les plus graves : la jalousie, l’amour tragique, le patriotisme et la passion de la liberté, la terreur religieuse et l’élévation de l’âme vers Dieu, je ne sais quelle joie et quelle ivresse découlent de ses chants[1]. »

Cela est vrai même de Guillaume Tell, et, dans Guillaume Tell, des passages même les plus tragiques. Cherchez un sentiment, un état de l’esprit ou de l’âme, dont le nom désigne et résume le caractère dominant et, comme auraient dit les Grecs, l’éthos du chef-d’œuvre rossinien : ce ne sera ni la tristesse, — encore moins le désespoir, — ni la colère, la haine ou la vengeance, en un mot aucune des passions terribles ou sombres. Ce sera la joie, une joie grave et grandiose, faite de lumière, de paix et de sérénité. Je ne parle pas de l’étonnant finale du troisième acte, où la seule annonce du supplice de Guillaume fait éclore sur les lèvres de la princesse la plus aimable et la plus impertinente

  1. E. Montégut, Poètes et artistes de l’Italie.