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Mon Dieu, que mon cœur est aride !
Pourtant, vous le savez, je vous ai pris pour guide.
Ardemment, tendrement, je redis le Credo.
J’accepte votre joug, je veux votre fardeau.
Votre nom est au fond de toutes mes pensées.
Jésus, je joins mes mains devant vos mains percées ;
Devant vos deux genoux douloureux et ployés,
Je me prosterne et baise éperdument vos pieds,
Et, voyant dans vos chairs la blessure cruelle,
Je voudrais que mon cœur fût palpitant comme elle !
Mais qu’il est froid et sec ! Ai-je vraiment la foi ?
Dieu de miséricorde, ayez pitié de moi !
Rendez-moi, rendez-moi ma ferveur enfantine,
Quand j’étais sûr, pendant ma prière latine,
D’être écouté d’un Père et quand, après l’Ave,
Je voyais — que de fois du moins l’ai-je rêvé ! —
La bonne Sainte Vierge, en ses blancs et longs voiles,
Incliner vers mon front sa couronne d’étoiles !
Vous connaissez, mon Dieu, ma bonne volonté.
J’ai vaincu mon orgueil et mon impureté.
Exaucez-moi, rendez ma prière meilleure,
Et faites que mon cœur se fonde et que je pleure.
Je veux croire ! Je crois ! Ce doute est le dernier.
Jésus, donnez-moi la foi du Centenier,
Afin que plus jamais, mon Dieu, je ne vous dise,
Comme aujourd’hui, devant l’autel, dans votre église :
« Seigneur, m’entendez-vous ? Seigneur, êtes-vous là ? »

Ainsi, pendant longtemps, ma plainte s’exhala.
L’âme du vieux pécheur, sur le tard convertie,
Est comme un sol couvert d’herbe folle et d’ortie ;
En vain il la travaille, acharné laboureur,
Il n’en peut extirper la semence d’erreur,
Et sa foi, que pourtant, seule, il sait bonne et vraie,
Est comme un blé d’avril étouffé par l’ivraie.

Pourtant cette humble église est un lieu doux au cœur ;
Et, tout en admirant, sur les dalles du chœur,
Le reflet diapré qui tombe des verrières,
Je crois que ces vieux murs, saturés de prières,