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« Je cherche, dit-il, à retrouver sous des formes éphémères, transitoires, caduques, et irrémissiblement tombées aujourd’hui, l’esprit des anciennes religions. » Il montre l’idée moderne dans son germe antique, la Révolution dans l’Evangile, et l’Evangile dans la Genèse. Retrouver les titres de la doctrine moderne de liberté, d’égalité, et de fraternité dans la profondeur des traditions, c’est donner plus d’autorité à cette doctrine.


I

À la suite de cette dédicace vient une Préface, dans laquelle Pierre Leroux nous apprend que le livre De l’Humanité n’est que la continuation de son livre intitulé : Essai sur l’Egalité ; et il donne lui-même l’analyse de cet autre livre. Il y a aujourd’hui dans la conscience humaine un dogme nouveau, le dogme de l’égalité. Il y a un homme nouveau qui a été préparé par la haute antiquité, l’antiquité moyenne et le régime féodal. Comme Lessing l’a dit, le genre humain a traversé les phases d’une éducation successive et progressive. Il s’est élevé par le régime des castes, caste de famille, caste de patrie, caste de propriété. L’homme a dû être d’abord l’esclave de la famille, l’esclave de la nation, l’esclave de la propriété, mais il est sur le point de s’affranchir de ces trois servages, et il est arrivé au bord de l’égalité. Il n’est plus l’homme d’une caste, il est homme purement et simplement : il est l’homme-humanité. Chez les anciens, il y avait de l’égalité, mais c’était l’égalité dans une caste. À Sparte, il y avait la cité des égaux. Les Spartiates qui prenaient part aux banquets communs étaient seuls des hommes. Aujourd’hui l’égalité est entrée, sinon dans les faits, au moins à titre de dogme dans la conscience humaine. Tel était à peu près le résumé du livre De l’Egalité. Mais, dans ce livre, Pierre Leroux n’avait parlé que du passé et du présent : il s’était arrêté devant l’avenir. C’est cette formule de l’avenir que le livre De l’Humanité doit nous donner. Pour cela, il faut trois choses : une force, un levier, un point fixe. Cette force, c’est nous-mêmes; le levier, c’est l’idée du progrès; le point fixe, c’est Dieu, mais Dieu dans l’homme et l’homme en Dieu, en d’autres termes, la communion du genre humain ou la solidarité mutuelle des hommes. Cette idée est le fond commun du judaïsme et du christianisme. D’après le judaïsme, nous sommes tous solidaires en Adam ; avec le christianisme, nous sommes tous solidaires en Jésus.