L’Empereur annonce son arrivée par une proclamation à ses troupes: « Les nouvelles armes de précision, Leur dit-il, ne sont dangereuses que de loin. Elles n’empêcheront pas la baïonnette d’être l’arme terrible de l’infanterie française. » Prise à la lettre, cette affirmation constituait une hérésie militaire, car, plus que jamais, les batailles se décident par le feu et non par le choc[1], et Napoléon III, l’artilleur, ne l’ignorait pas. Cette exaltation de la baïonnette n’était qu’une manière de recommander au soldat l’offensive, tactique victorieuse des armées de la République et de l’Empire.
L’Empereur laisse le prince Napoléon à Gênes pour y compléter ses troupes, et va établir son quartier général à Alexandrie. Il déploie aussitôt une activité infatigable. Avant le lever du soleil, il reçoit les rapports des commandans de corps, monte à cheval, parcourt les campemens, va inspecter les positions. Il interroge ses chefs de service réunis au rapport, mais prend sa résolution tout seul ; son chef d’état-major n’est qu’un instrument matériel de transmission ; il est à la fois le général suprême et le chef d’état-major. Ses ordres brefs, conformes aux règles de l’art, précis, clairs, indiquent nettement le but, en laissant pour l’exécution toute liberté d’initiative à ceux qui les reçoivent. Sachant que les plus hautes conceptions stratégiques échouent parfois par les petits détails, il n’en néglige aucun ; il prescrit une nouvelle constitution des équipages régimentaires ; il harcèle le ministre de ses réclamations impatientes. « L’administration de la guerre[2] a été bien coupable ; je compte sur vous pour réparer tout cela. » Il s’inquiète surtout des approvisionnemens, et dans une lettre à l’intendant général il indique le moyen le meilleur d’y pourvoir. « Ne plus attendre tout de la France, faire vivre l’armée avec les ressources du pays où elle se trouve, par des réquisitions payées en pays ami, et prises sans payer en pays ennemi. Ce système, le seul efficace, demande beaucoup d’intelligence et d’activité. Il est bien plus facile, naturellement, d’écrire au ministre de la Guerre: « Envoyez-moi tant de millions