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enfin, il allait rendre visite au célèbre érudit Gaignières, se faisait montrer ses collections, ses manuscrits, ses médailles et, s’entretenant avec lui des principaux rois de la France, il témoignait « d’une estime particulière » pour Louis le Gros, celui que l’histoire appelle le Père des Communes[1].

Cette existence, assurément assez austère pour un prince de vingt à vingt-cinq ans, ne connaissait qu’un plaisir : celui de la chasse. Qu’il courût le lièvre ou le daim avec les petits chiens du comte de Toulouse, le cerf avec la meute du Roi dont le duc de La Rochefoucauld, grand veneur, avait la direction, ou le loup avec celle de Monseigneur dont c’était la chasse favorite, il s’adonnait à cet exercice avec la fougue qui était demeurée au fond de sa nature et qui reparaissait à la surface dès qu’il croyait pouvoir s’y abandonner sans scrupule. Il n’imitait pourtant pas l’exemple de son père, qui, toutes les fois qu’il avait à choisir entre une chasse et une séance du Conseil des Dépêches, choisissait invariablement la chasse. Le duc de Bourgogne au contraire choisissait le Conseil. Il avait grand soin que les chasses auxquelles il assistait ne fussent cause d’aucun préjudice pour ceux dont il traversait les terres en débûché, et il les faisait indemniser au delà même du dommage causé.

Il n’avait pas une moindre passion pour la chasse à tir. On en trouve la preuve dans sa correspondance avec Philippe V, grand amateur de chasse également. Dès que la saison en est arrivée, chacune de ses lettres, même celles où il est question des événemens les plus graves, se termine par une sorte de bulletin de chasse. Nous citerons un de ces bulletins. Après avoir raconté (26 juillet 1705) qu’en Flandre, les ennemis ont forcé les lignes françaises, que malgré la résistance opposée par les troupes du Roi l’armée a dû battre en retraite, et qu’il est impossible de prévoir ce que feront les ennemis enflés de ce succès, il continue : « Pour parler maintenant de choses moins sérieuses, je vous dirai qu’au commencement de ce mois il y a eu icy des perdreaux aussy gros que des cailles, que la plaine de Montrouge est découverte, que nous allons demain faire descente sur les lieux, et, dans huit jours, dans celle de Saint-Denis. Nous avons tiré lundy dernier une soixantaine de faisandeaux dans la forêt de Sénart dont il y avoit déjà de fort gros. On assure qu’il y a une quantité prodigieuse

  1. Léopold Delisle, Le cabinet des manuscrits à la Bibliothèque impériale, p. 340.