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guerre civile continuait aux îles Samoa, sans qu’aucune autorité fût assez forte pour y mettre fin. Mataafa, avec les siens, tenait toujours la campagne. On restait à la merci de tous les incidens. Le 1er avril, il s’en est produit un qui a causé en Amérique, en Angleterre et aussi en Allemagne une émotion très vive, et qui a failli compromettre le succès des pourparlers engagés. Une troupe composée de 210 Anglais et Américains environ et d’un plus grand nombre d’indigènes est tombée dans une embuscade à Vaslele, propriété d’un Allemand nommé Hufnagel. On a accusé celui-ci d’avoir été le complice des rebelles, qui étaient au nombre de 800; on a dit qu’il les excitait lui-même de la voix et du geste ; mais ces faits ne sont pas prouvés. La lutte a été soutenue de part et d’autre avec une énergie extraordinaire, et, de celle des rebelles, avec férocité. Plusieurs officiers anglais, appartenant à un navire de la rade, ont été tués. Des deux côtés il y a eu beaucoup de morts, sans qu’on puisse en savoir le nombre chez les rebelles, qui, restés maîtres du champ de bataille, ont fait disparaître les leurs : il y aurait eu une cinquantaine d’Européens tués, et encore plus de blessés. Le lendemain, jour de Pâques, les malheureux officiers qui avaient succombé ont été enterrés, et, détail douloureux qui donne la physionomie de cette guerre atroce, il a fallu plus tard rouvrir leurs tombes pour y placer leurs têtes, rapportées, dit-on, par des missionnaires français. À la nouvelle de ce combat, l’exaspération a été violente en Amérique et en Angleterre, et n’a pas été moindre en Allemagne. Les polémiques de presse ont pris un caractère de plus en plus passionné. On ne s’est ménagé ni les reproches, ni les injures. Et puis on a commencé à se calmer, car tout finit et tombe, même la colère, lorsque l’accès en a duré assez longtemps. Une circonstance a ramené un peu de calme en Allemagne. Hufnagel, qui avait été arrêté et conduit sur un navire anglais, a été remis entre les mains du commandant du croiseur allemand le Falke : on a reconnu qu’il relevait de la juridiction de son consul, et qu’il serait dangereux de porter atteinte à ce principe. Il semble qu’après avoir épuisé les sentimens violens, on ait compris partout la nécessité de s’entendre. Les trois commissaires se sont embarqués à San-Francisco, et doivent être sur le point d’arriver à Apia. Puissent-ils y faire de bonne besogne ! Ils ont d’ailleurs été investis des plus grands pouvoirs, et sont chargés de gouverner les îles Samoa jusqu’à nouvel ordre; ils maintiendront ou ils remplaceront les fonctionnaires en exercice, suivant qu’ils le jugeront convenable; enfin, toutes les autorités militaires ou civiles devront leur obéir. C’est une véritable dictature qui leur est attribuée;